A vingt ans on attend tout de quelqu’un. Plus tard on apprend que personne ne peut apaiser cette attente, refermer cette plaie. Le mariage, l’effrayant labeur du mariage, mais aussi l’argent, la pesanteur accablante de l’argent, mais encore les soucis, le plomb et le marbre des soucis, tout cela a changé votre attente première, tout cela l’a vidée, creusée – purifiée. L’attente commence là, lorsqu’elle a renoncé à être jamais comblée. Elle se confond alors avec la totalité de ce qui vient, avec l’accueil sans discernement de tout ce qui s’avance – le léger comme le lourd, le froid comme le brûlant. D’où ça vient, je l’ignore. D’où peut-il venir l’amour qu’on appelle, – la part manquante – sinon de l’amour lui-même ? Nous ne sommes là-dedans que des intermédiaires, des passeurs.
A vingt ans on attend tout de quelqu’un. Plus tard on apprend que personne ne peut apaiser cette attente, refermer cette plaie. Le mariage, l’effrayant labeur du mariage, mais aussi l’argent, la pesanteur accablante de l’argent, mais encore les soucis, le plomb et le marbre des soucis, tout cela a changé votre attente première, tout cela l’a vidée, creusée – purifiée. L’attente commence là, lorsqu’elle a renoncé à être jamais comblée. Elle se confond alors avec la totalité de ce qui vient, avec l’accueil sans discernement de tout ce qui s’avance – le léger comme le lourd, le froid comme le brûlant. D’où ça vient, je l’ignore. D’où peut-il venir l’amour qu’on appelle, – la part manquante – sinon de l’amour lui-même ? Nous ne sommes là-dedans que des intermédiaires, des passeurs. Christian Bobin