Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments. Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. J’ai cru autrefois, et dans ma première jeunesse, que ces endroits étaient clairs et intelligibles pour les acteurs, pour le parterre et l’amphithéâtre, que leurs auteurs s’entendaient eux-mêmes, et qu’avec toute l’attention que je donnais à leur récit, j’avais tort de n’y rien entendre : je suis détrompé.
Certains poètes sont sujets, dans le dramatique, à de longues suites de vers pompeux, qui semblent forts, élevés, et remplis de grands sentiments. Le peuple écoute avidement, les yeux élevés et la bouche ouverte, croit que cela lui plaît, et à mesure qu’il y comprend moins, l’admire davantage ; il n’a pas le temps de respirer, il a à peine celui de se récrier et d’applaudir. J’ai cru autrefois, et dans ma première jeunesse, que ces endroits étaient clairs et intelligibles pour les acteurs, pour le parterre et l’amphithéâtre, que leurs auteurs s’entendaient eux-mêmes, et qu’avec toute l’attention que je donnais à leur récit, j’avais tort de n’y rien entendre : je suis détrompé. Jean de La Bruyère