Décès de l’auteure Françoise Mallet-Joris ce 13 Août 2016
Décès de l’auteure Françoise Mallet-Joris
Françoise Mallet-Joris
Il y a des fêtes qui ne durent qu’un soir et dont les bougies meurent vite.
il faut saisir l’éphémère, qu’il faut bâtir des statues avec la neige qui fond, des cabanes avec les mots qui s’effacent
Écrire, croit-on, c’est ouvrir portes et fenêtres et non les refermer, écrit-elle au début de On démarre comme ça, innocemment. On ne sait pas à quoi on s’engage. Et (…) il y a toujours un moment où l’on voit sa vérité nue, l’île déserte, ce qu’on appelait autrefois assez drôlement la tour d’ivoire, la solitude, en somme
Est-ce d’une rupture brutale de l’enchantement premier que naît le besoin d’écrire ? d’une fêlure dans l’enfance ? Le besoin d’écrire est-il adulte ?
D’année en année je suis devenue de plus en plus désordonnée. Je suis en retard de deux années pour mes impôts, de trois mois pour ma correspondance. Je pense de moins en moins à mes vieux jours et aux économies, alors qu’à vingt ans j’y pensais. J’invite des amis au restaurant à la fin du mois, je joue à la guitare tandis que le linge s’accumule, je fais avec mes enfants des « soirées poétiques » au cours desquelles, entourés de bougies, nous lisons tout, de Hugo à Cendrars, en croquant des biscuits, au lieu de leur faire répéter leur latin.
Aussi loin que je puisse remonter, c’est-à-dire vers ma douzième année, le besoin d’écrire s’identifie pour moi au besoin de conserver, de faire durer. Vers ma douzième année, je fis avec ma mère un voyage de quelques jours à la campagne dont je tirai un cahier, une sorte de roman humoristique (!) intitulé Le Voyage à Beersel. J’avais écrit auparavant un ou deux cahiers sur des sujets assez fantastiques : des histoires à la Jules Verne, des romans de scaphandriers. Mais ils ne m’avaient pas procuré la même satisfaction que ce « roman vécu ». L’impression que ce voyage bien que terminé était « utilisé », qu’il existait une deuxième fois, et cette fois d’une existence définitive, qu’il y avait à la vie un mode d’emploi, une façon de n’en rien perdre, cela me donna pour la première fois un sentiment de sécurité, une paix, que pendant de longues années je trouvais en écrivant, rien qu’en écrivant.
J’ai toujours eu beaucoup de difficulté à m’exprimer parce que je sens les choses d’une façon embrouillée et souvent de deux façons à la fois, totalement contradictoires.
Il n’y a aucune raison pour qu’un écrivain qui a peu de métier n’arrive pas à finir un livre.
Françoise Mallet-Joris / Entretien avec Claude Servan-Schreiber – Mars 1976
Que valent le silence, la contemplation ? Est-ce que ces valeurs peuvent encore être perçues ? Ou le silence et la contemplation sont-ils le fait de ceux qui se murent hors des souffrances d’autrui, de l’évolution du monde et de ses problèmes ?
De Françoise Mallet-Joris / Entretien avec Claude Servan-Schreiber – Mars 1976