Le regret temporis acti est la plus vaine occupation du vieillard. Je me le dis ; pourtant j’y cède. Vous m’y encouragez, estimant ce regret de nature à ramener insensiblement l’âme à Dieu. Mais vous vous méprenez sur la nature de mes regrets, de mes remords. C’est le regret du non acti qui me tourmente, de tout ce que durant ma jeunesse j’aurais pu faire, j’aurais dû faire, et qu’empêcha votre morale ; cette morale à laquelle je ne crois plus ; à laquelle je croyais bon de me soumettre alors qu’elle était pour moi la plus gênante, de sorte que je donnais à l’orgueil cette satisfaction que je refusais à ma chair. Car c’est à l’âge où l’âme et le corps sont les plus dispos à l’amour, les plus dignes d’aimer, d’être aimés, où l’étreinte est la plus puissante, la curiosité la plus vive et la plus instructive, la volupté du plus grand prix, c’est à cet âge que l’âme et le corps trouvent également le plus de force pour résister aux sollicitations de l’amour.
Le regret temporis acti est la plus vaine occupation du vieillard. Je me le dis ; pourtant j’y cède. Vous m’y encouragez, estimant ce regret de nature à ramener insensiblement l’âme à Dieu. Mais vous vous méprenez sur la nature de mes regrets, de mes remords. C’est le regret du non acti qui me tourmente, de tout ce que durant ma jeunesse j’aurais pu faire, j’aurais dû faire, et qu’empêcha votre morale ; cette morale à laquelle je ne crois plus ; à laquelle je croyais bon de me soumettre alors qu’elle était pour moi la plus gênante, de sorte que je donnais à l’orgueil cette satisfaction que je refusais à ma chair. Car c’est à l’âge où l’âme et le corps sont les plus dispos à l’amour, les plus dignes d’aimer, d’être aimés, où l’étreinte est la plus puissante, la curiosité la plus vive et la plus instructive, la volupté du plus grand prix, c’est à cet âge que l’âme et le corps trouvent également le plus de force pour résister aux sollicitations de l’amour. André Gide