Pendant des années, il avait rempli des tas de carnets avec des descriptions de chevelures, de visages, de décolletés, de gestes gracieux, soi-disant pour s’en servir un jour dans un livre, mais quand il se relisait il était toujours déçu. S’il avait confiance dans ses notes tant qu’il ne les consultait pas, elles lui faisaient l’effet d’une douche froide au moment où il leur demandait un peu d’inspiration. Elles ne restituaient jamais l’émotion qu’il avait ressentie et encore moins la source de cette émotion : une femme vivante qu’il avait eu la brève illusion d’arracher à l’oubli.
Pendant des années, il avait rempli des tas de carnets avec des descriptions de chevelures, de visages, de décolletés, de gestes gracieux, soi-disant pour s’en servir un jour dans un livre, mais quand il se relisait il était toujours déçu. S’il avait confiance dans ses notes tant qu’il ne les consultait pas, elles lui faisaient l’effet d’une douche froide au moment où il leur demandait un peu d’inspiration. Elles ne restituaient jamais l’émotion qu’il avait ressentie et encore moins la source de cette émotion : une femme vivante qu’il avait eu la brève illusion d’arracher à l’oubli. François Weyergans