La définition de Liberté du dictionnaire français. Signification du mot et son éthymologie - De nombreux exemples d'usage en français ainsi que des citations.
Liberté
Nature : s. f.
Prononciation : li-bèr-té
Etymologie : Provenç libertat ; catal. llibertat ; espagn. libertad ; ital. libertà ; du latin libertatem, de liber, libre.
Notre dictionnaire de français vous présente les définitions de liberté de manière précise, avec des exemples pertinents pour aider à comprendre la signification du mot.
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La définition de Liberté
Condition de l'homme qui n'appartient à aucun maître. Dans l'antiquité, ceux qui étaient pris à la guerre perdaient leur liberté et devenaient esclaves. L'Angleterre et la France ont donné la liberté aux nègres esclaves.
Toutes les définitions de « liberté »
Dictionnaire de l'Académie française, huitième édition
Le pouvoir d'exercer sa volonté, en agissant ou n'agissant pas. Agir dans toute l'étendue de sa liberté. Liberté d'aprouver et de contredire. Il se dit particulièrement, en termes de Métaphysique, du Libre arbitre, de la faculté donnée à l'âme de choisir entre divers mobiles, de se déterminer pour l'un ou pour l'autre. La question de la liberté a été débattue par la plupart des écoles de philosophie. Sans la liberté, il n'y aurait point de moralité dans les actions des hommes. Liberté d'indifférence, Faculté attribuée à l'homme par certains philosophes de se décider indépendamment de tout motif de décision. Liberté naturelle, Pouvoir que l'homme a naturellement d'employer ses facultés à faire ce qu'il regarde comme devant lui être utile ou agréable. Dans l'état social, la liberté naturelle est restreinte par les lois d'utilité commune, par la morale, par la distinction du droit et du devoir. Liberté civile, Pouvoir de faire tout ce qui n'est pas défendu par les lois. Liberté politique, ou simplement Liberté, Jouissance des droits politiques accordés à chaque citoyen dans les pays qui ne sont pas soumis à un pouvoir absolu. Liberté de conscience, Droit que tout homme a d'adopter les opinions religieuses qu'il croit conformes à la vérité, sans pouvoir être inquiété à cet égard par l'autorité publique. Liberté des cultes, Droit que les fidèles des diverses religions ont d'exercer publiquement leur culte et d'enseigner leur doctrine. Liberté de penser, Droit de manifester sa Liberté d'écrire, Droit de manifester par écrit sa pensée. Liberté de la presse, Droit de manifester sa pensée par la voie de l'impression, et surtout par la voie des journaux. Liberté d'enseignement, Droit que les citoyens, munis des diplômes requis par la loi, ont d'ouvrir et d'administrer des établissements privés d'enseignement primaire, secondaire ou supérieur. Liberté d'association, Droit qu'ont les citoyens d'un État de constituer des associations conformément aux lois. Liberté individuelle, Droit que chaque citoyen a de n'être privé de la liberté de sa personne que dans les cas prévus et selon les formes déterminées par la loi. Les lois garantissent aux Français leur liberté individuelle. Liberté du commerce, Faculté que les commerçants ont d'acheter et de vendre, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, sans être soumis à des lois gênantes, à des règlements prohibitifs. Liberté des mers, Droit que toutes les nations ont de naviguer librement sur les mers.
LIBERTÉ se dit souvent par opposition à Servitude et signifie l'État d'une personne de condition libre. Dans les temps anciens, ceux qui étaient pris à la guerre perdaient leur liberté et devenaient esclaves. Recouvrer, racheter sa liberté. Donner la liberté à un esclave. Il se dit aussi par opposition à Captivité, emprisonnement. Il était prisonnier de guerre, on l'a laissé en liberté sur parole. On a rendu la liberté aux prisonniers. L'inculpé a été en liberté provisoire. Racheter sa liberté moyennant une forte rançon. Le prévenu a été mis en liberté à la charge de donner caution. Donner la liberté à un oiseau. Il se dit encore par opposition à Contrainte physique ou morale. Un rhumatisme lui ôte la liberté de ses membres, de ses mouvements. Parler, agir en toute liberté, avec liberté. La liberté de la conversation. On jouit d'une grande liberté dans cette maison. Il signifie aussi Indépendance de caractère, d'état, de conduite. Il ne se met à la suite de personne; il aime trop sa liberté. Engager sa liberté, la perdre. Liberté d'esprit, État d'un homme qui a l'esprit dégagé de toute préoccupation. Je n'ai pas la liberté d'esprit nécessaire pour m'occuper de ce travail. Liberté de langage, liberté de parole, ou simplement Liberté, Franchise, hardiesse. Sous l'Empire romain, parler avec liberté, c'était s'exposer à la mort. Il a toute la liberté de langage d'un homme qui ne dépend de personne. On dit aussi Liberté de plume.
LIBERTÉ se prend encore pour Manière d'agir libre, familière, hardie. Dans cette acception, il se dit en bien et en mal et s'emploie souvent au pluriel. Agir avec une honnête liberté. Se donner, se permettre des libertés. Il prend trop de libertés avec ses supérieurs. Prendre des libertés avec une femme. Par plaisanterie, Liberté grande, Permission que l'on s'accorde d'agir, de parler, avec une familiarité hardie. Je vous demande pardon de la liberté grande. Dans la conversation, on dit souvent, par politesse et pour s'excuser, J'ai pris, je prends, je prendrai la liberté de faire telle chose, pour dire J'ai fait, je fais, je ferai telle chose. Je prends la liberté de vous rappeler votre promesse. J'ai pris la liberté de vous écrire. Je prends la liberté de n'être pas de votre avis. Demander la liberté de, Demander la permission de. Je vous demande la liberté de vous écrire, de me promener dans votre jardin. Il signifie en outre Facilité, aisance dans les mouvements du corps. Il a une grande liberté d'action, de mouvement, de geste, de parole. Il fait tout avec beaucoup de liberté et de grâce. En termes de Beaux-Arts, Il y a une grande liberté de pinceau dans ce tableau, de trait dans ce dessin, de burin dans cette gravure. Dans ce sens, il se dit aussi en parlant des Choses inanimées. Ce ressort n'a pas assez de liberté, ne joue pas avec assez de liberté.
LIBERTÉS, au pluriel, signifie Franchises, immunités. La conquête fit perdre à cette province toutes ses libertés. Les libertés des communes. Les libertés municipales. Les libertés de l'Église gallicane, Les libertés que revendiquaient, à l'endroit du Saint-Siège, pour l'ancienne l'Église de France, les théologiens gallicans, les rois et les Parlements. En termes de Manège, Sauteur en liberté, Cheval dressé à faire des sauts pour accoutumer le cavalier à se tenir ferme en selle. On dit dans le même sens Présenter un cheval en liberté, Présenter un cheval dressé à faire des exercices sans harnachement.
Littré
Résumé
- 1° Condition de l'homme qui n'appartient à aucun maître.
- 2° Se dit par opposition à captivité.
- 3° Se dit par opposition à clôture dans un établissement, dans un couvent, etc.
- 4° Liberté naturelle.
- 5° Liberté politique, ou, simplement, liberté?; liberté de commerce, des mers.
- 6° La Liberté, divinité.
- 7° Au plur. Immunités.
- 8° Liberté de l'Évangile.
- 9° Pouvoir d'agir ou de n'agir pas.
- 10° Libre arbitre.
- 11° État d'une personne qui n'a aucun assujettissement.
- 12° État d'un c?ur libre.
- 13° Absence de contrainte.
- 14° Liberté d'esprit.
- 15° Liberté de langage.
- 16° Manière d'agir familière, ou dans laquelle on ne se contraint point.
- 17° Permission, congé, licence.
- 18° Licence poétique.
- 19° Aisance dans les mouvements et les opérations.
- 20° Aisance avec laquelle se meuvent les choses inanimées.
- 21° Liberté de ventre.
- 22° Liberté de langue, en termes de manége.
- 23° En liberté, sans gêne, sans obstacle.
- 24° Filet qui sert à élever et à baisser les brins de cannes dont on fait des fauteuils.
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1Condition de l'homme qui n'appartient à aucun maître. Dans l'antiquité, ceux qui étaient pris à la guerre perdaient leur liberté et devenaient esclaves. L'Angleterre et la France ont donné la liberté aux nègres esclaves.
La liberté est la propriété de soi?; on distingue trois sortes de libertés?: la liberté naturelle, la liberté civile, la liberté politique?; c'est-à-dire la liberté de l'homme, celle du citoyen et celle d'un peuple
, Raynal, Hist. phil. XI, 24. -
2Se dit par opposition à captivité. Il était prisonnier de guerre?; on l'a laissé en liberté sur parole.
Contraint de racheter sa liberté après une longue prison durant les guerres d'Allemagne
, Fléchier, Duc de Mont.Ne craignez pas que je vous fasse un triste récit de nos divisions domestiques [la Fronde], et que je parle ici de rétablissements et d'éloignements, de prisons et de libertés, de réconciliations et de ruptures
, Fléchier, le Tellier.Liberté provisoire, sous caution, droit accordé au prévenu d'obtenir son élargissement, à la charge par lui de fournir des garanties qu'il ne cherchera pas à fuir.
On emploie aussi liberté en parlant des animaux. Donner la liberté à un oiseau.
La nature, dans le genre de vie qu'elle lui a prescrite [à un certain oiseau], paraît l'avoir éloigné de toute vie commune avec l'homme, et lui avoir assuré, après le plus grand des biens, le seul qui en répare la perte, la liberté ou la mort
, Buffon, Oiseaux, t. VIII, p. 352.En termes de chimie et fig. Mettre un corps en liberté, le dégager d'une combinaison dans laquelle il était comme captif.
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3Il se dit par opposition à clôture dans un établissement, dans un couvent, etc.
L'asile [un monastère] qu'elle avait choisi pour défendre sa liberté devint un piége innocent pour la captiver
, Bossuet, Anne de Gonz.Elle eut pu renoncer à sa liberté si on lui eût permis de la sentir
, Bossuet, ib. - 4 Terme de droit naturel. Liberté naturelle, pouvoir que l'homme a naturellement d'employer ses facultés comme il lui convient.
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5 Terme de droit politique. Liberté politique, ou, simplement, liberté, jouissance des droits politiques que la constitution de certains pays accorde à chaque citoyen?; condition d'un État où le pouvoir exécutif est soumis au contrôle, direct ou indirect, des citoyens, par opposition aux États où le pouvoir est absolu ou despotique.
La liberté jamais ne cesse d'être aimable
, Corneille, Cinna, II, 2.Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom
, Bossuet, Reine d'Anglet.Combien fut affermi dans l'amour de la liberté un peuple qui voyait ce consul sévère [Brutus] immoler à la liberté sa propre famille?!
Bossuet, Hist. III, 6.Quoique Rome fût née sous un gouvernement royal, elle avait, même sous ses rois, une liberté qui ne convient guère à une monarchie réglée
, Bossuet, ib.Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus, l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté?
, Bossuet, Reine d'Anglet.Sous ce nom de liberté, les Romains se figuraient avec les Grecs un État où personne ne fût sujet que de la loi et où la loi fût plus puissante que les hommes
, Bossuet, Hist. III, 6.Étaient-ce [les troubles de la Fronde] les derniers efforts d'une liberté remuante qui allait céder la place à l'autorité légitime??
Bossuet, Anne de Gonz.Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations que celui de liberté?; les uns l'ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avaient donné un pouvoir tyrannique?; les autres, pour la faculté d'élire celui à qui ils devaient obéir?; d'autres, pour le droit d'être armés et de pouvoir exercer la violence?; ceux-ci, pour le privilége de n'être gouvernés que par un homme de leur nation ou par leurs propres lois? ceux qui avaient goûté du gouvernement républicain l'ont mise dans ce gouvernement?; ceux qui avaient goûté du gouvernement monarchique l'ont placée dans la monarchie
, Montesquieu, Esp. XI, 2.Rien n'attire plus les étrangers que la liberté et l'opulence qui la suit toujours
, Montesquieu, Lett. pers. 122.Il y a une nation dans le monde [les Anglais] qui a pour objet direct de sa constitution la liberté politique
, Montesquieu, Esp. XI, 5.Pourquoi la liberté est-elle si rare?? parce qu'elle est le premier des biens
, Voltaire, Dict. phil. Venise.Crois-moi, la liberté, que tout mortel adore, Donne à l'homme un courage, inspire une grandeur Qu'il n'eût jamais trouvés dans le fond de son c?ur
, Voltaire, Brut. I, 3.La liberté consiste à ne dépendre que des lois
, Voltaire, Polit. et législ. Pens. admin. publ.Le droit le plus sacré des mortels généreux, La liberté?
, Voltaire, Tancr. I, 1.La simplicité d'expression est un des caractères de la liberté?; cette observation ne paraîtra minutieuse qu'à ceux à qui elle est nécessaire
, Mirabeau, Collection, t. I, p. 453.Il serait fort aisé d'enchaîner toute espèce de liberté en exagérant toute espèce de danger
, Mirabeau, ib. t. V, p. 261.On dit dans le même sens?: liberté publique.
La protection accordée aux lettres [sous l'ancienne monarchie] était un éclat pour le trône?; les lettres elles-mêmes étaient la seule liberté publique alors autorisée
, Villemain, Littér. fr. 18e siècle, 2e part. 2e leçon.Vive la liberté?! cri politique poussé par ceux qui défendent leurs droits contre le pouvoir absolu et aussi l'indépendance nationale contre un envahisseur.
Voyez ce drapeau tricolore, Qu'élève en périssant leur courage indompté?; Sous le flot qui les couvre, entendez-vous encore Ce cri?: Vive la liberté?!
E. Lebrun, le Vengeur.Défendez vos parents, vos s?urs et vos amies Que viennent outrager ces hordes ennemies?; Vive la liberté?! combattons, les voici?!
Masson, Helvét. VII.En ce sens, il se dit souvent au pluriel.
La perte de nos biens et de nos libertés
, Corneille, Cinna, I, 3.Liberté civile, pouvoir de faire tout ce qui n'est pas défendu par les lois.
Liberté civile se dit aussi, et plus usuellement, de l'affranchissement, pour les individus, des lois et coutumes oppressives relatives à la vie civile.
L'an de Rome 428, les consuls portèrent une loi qui ôta aux créanciers le droit de tenir les débiteurs en servitude dans leurs maisons?; un usurier nommé Papirius avait voulu corrompre la pudicité d'un jeune homme qu'il tenait dans les fers?; le crime de Sextus donna à Rome la liberté politique?; celui de Papirius y donna la liberté civile
, Montesquieu, Esp. XII, 21.Liberté de conscience, droit d'adopter les opinions religieuses que l'on croit vraies, sans tomber sous le coup d'aucune loi pénale.
Me séparant de vous sans savoir que vous répondre, j'ai été sur le point de m'écrier?: rendez-moi mon avis que vous m'emportez, et ne nous ôtez pas la liberté de conscience que le roi nous a donnée
, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 6.Il [le roi d'Angleterre, Jacques II] a déclaré une parfaite liberté de conscience
, Sévigné, 13 oct. 1688.Il a établi une pleine liberté de conscience dans ses États, article dont le pour et le contre peut être soutenu en général, et par la politique, et par la religion
, Fontenelle, Czar Pierre.Liberté de conscience et liberté de commerce, monsieur, voilà les deux pivots de l'opulence d'un État petit ou grand
, Voltaire, Lett. Dupont, 16 juill. 1770.Liberté des cultes, droit que les sectateurs des diverses religions ont d'exercer leur culte et d'enseigner leur doctrine.
Liberté de penser, droit de manifester sa pensée sans contrainte.
Liberté de penser, signifie aussi manière téméraire de penser sur les matières de religion, de morale, de gouvernement. Ce sens vieillit.
Liberté d'écrire, droit de manifester sa pensée par écrit et par l'impression.
Liberté de la presse, droit de manifester sa pensée par la voie de l'impression, et surtout par les journaux.
La demi-liberté avec laquelle on commence à écrire en France n'est encore qu'une chaîne honteuse
, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 13 oct. 1759.Je ne sais si cette liberté [de la presse] doit être accordée?; mais je pense que, si on l'accorde, elle doit être sans limites et indéfinie
, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 2 mars 1772.Liberté individuelle, droit que chaque citoyen a de n'être privé de la liberté de sa personne que dans les cas prévus et selon les formes déterminées par la loi.
Liberté du commerce, faculté qu'ont les commerçants d'acheter et de vendre, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, sans être soumis à des droits ou à des prohibitions.
La liberté du commerce était entière?: bien loin de le gêner par des impôts, on promettait une récompense à tous les marchands qui pourraient attirer à Salente le commerce de quelque nouvelle nation
, Fénelon, Tél. XI. Liberté des mers, droit que toutes les nations ont de naviguer librement sur les mers.Contre la liberté des mers et la liberté du commerce, des armateurs français leur avaient enlevé [à des négociants] et leurs richesses et le vaisseau qui les portait
, Fléchier, Lamoignon.Liberté de cour, état des marchands affranchis de la juridiction ordinaire des lieux où ils font leur négoce et pouvant porter les affaires qui les concernent devant un juge de leur nation.
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6Nom, chez les Romains, d'une divinité qui était représentée tenant un sceptre d'une main, et de l'autre une pique surmontée d'un bonnet (en ce sens on met une majuscule à Liberté). La Liberté avait un temple sur le mont Aventin.
Chez les modernes, personnification de la liberté.
Mon lac [le lac de Genève] est le premier?; c'est sur ses bords heureux Qu'habite des humains la déesse éternelle, L'âme des grands travaux, l'objet des nobles v?ux, Que tout mortel embrasse ou désire ou rappelle, Qui vit dans tous les c?urs et dont le nom sacré Dans les cours des tyrans est tout bas adoré, La Liberté?
, Voltaire, Ép. LXXVI.L'enfer de la Bastille, à tous les vents jeté, Vole, débris infâme et cendre inanimée?; Et de ces grands tombeaux la belle Liberté, Altière, étincelante, armée, Sort?
, Chénier, le Jeu de paume.De quel éclat brillaient dans la bataille Ces habits bleus par la victoire usés?! La Liberté mêlait à la mitraille Des fers rompus et des sceptres brisés
, Béranger, Vieux serg.Cet usurpateur effronté [Napoléon 1er] Qui serra sans pitié sous les coussins du trône La gorge de la Liberté
, Barbier, l'Idole.Je suis fils de ce siècle?; une erreur chaque année S'en va de mon esprit, d'elle-même étonnée?; Et, détrompé de tout, mon culte n'est resté, Qu'à vous, sainte patrie et sainte Liberté
, Hugo, Feuilles d'automne, XL.Pendant la révolution, statue de la Liberté qu'on avait substituée sur les places à celle des rois, et femme qui, dans les fêtes révolutionnaires, représentait la Liberté.
Est-ce bien vous, vous que je vis si belle, Quand tout un peuple, entourant votre char, Vous saluait du nom de l'immortelle Dont votre main brandissait l'étendard?? ?Oui, vous étiez déesse, Déesse de la Liberté
, Béranger, la Déesse.Une Liberté, une statue, une image, un tableau de la liberté.
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7 Au plur. Immunités, franchises. Les libertés des communes.
Libertés de l'Église gallicane, usage dans lequel les catholiques de France sont de suivre la discipline établie par les canons des cinq ou six premiers siècles de l'Église, préférablement à celle qui a été introduite postérieurement, en vertu des vraies ou des fausses décrétales des papes, par lesquelles leur autorité sur les Églises d'Occident était poussée beaucoup plus loin que dans les siècles précédents (BERGIER, Théologie).
Les jaloux de la France n'auront pas éternellement à lui reprocher les libertés de l'Église toujours employées contre elle-même??
Bossuet, le Tellier.La France conserva ce qu'on appelle les libertés de son Église, qui sont en effet les libertés de sa nation
, Voltaire, M?urs, 183. - 8 Terme de théologie. Liberté de l'Évangile, affranchissement du joug des cérémonies et des autres pratiques de la loi de Moïse.
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9Pouvoir d'agir ou de n'agir pas.
D'une frayeur mortelle à peine encor remise, Pardonnez, grand héros, si mon étonnement N'a pas la liberté d'aucun remercîment
, Corneille, Andromède, III, 3.Est-ce que cette créance est peu importante, et que vous abandonnez à la liberté des hommes de croire que la grâce efficace est nécessaire ou non??
Pascal, Prov. II.Déçue par la liberté dont elle a fait un mauvais usage, l'âme songe à se contraindre de toutes parts
, Bossuet, la Vallière.Ceux qui ne songent pas qu'il y a une mauvaise liberté louent les auteurs de ces livres [livres de critique sur l'Ancien et le Nouveau Testament] comme gens libres et désabusés des préjugés communs
, Bossuet, Défense de la tradition, préface .Il leur laissait [à ses amis], dans l'agréable commerce qu'il avait avec eux, toute la liberté qu'il prenait lui-même, de soutenir leurs opinions, et ne leur interdisait que la flatterie
, Fléchier, Duc de Mont.C'était sa maxime? qu'il est inhumain de s'en prendre aux gens à qui la crainte et le respect ôtent la liberté de se défendre et de se plaindre
, Fléchier, Dauphine.Mais, seigneur, je n'ai point la liberté du choix
, Voltaire, ?dipe, II, 4. -
10 Terme de philosophie. Libre arbitre, faculté qu'a l'homme de se décider comme il lui convient.
Oh?! qu'heureux sont ceux qui, avec une liberté entière et une pente invincible de leur volonté, aiment parfaitement et librement ce qu'ils sont obligés d'aimer nécessairement?!
Pascal, Prière pour le bon usage des maladies.Le bon usage de la liberté, quand il se tourne en habitude, s'appelle vertu?; et le mauvais usage de la liberté, quand il se tourne en habitude, s'appelle vice
, Bossuet, Connaiss. I, 19.Nous exerçons une espèce de basse liberté en nous promenant d'une passion à une autre, et ne sortant jamais de cette basse sphère, pour ainsi parler, ni de cet élément grossier
, Bossuet, Élévat. sur les myst. IV, 8.Cette erreur abominable d'ôter à la créature toute liberté, et de faire Dieu en termes formels auteur de tous les péchés, comment la pardonnez-vous à Luther??
Bossuet, 6e avert. III, 36.Je ne peux concevoir l'accord de la prescience et de la liberté, je l'avoue?; mais dois-je pour cela rejeter la liberté??
Voltaire, Lett. Prince roy. de Pr. 8 mars 1738.J'appelle liberté le pouvoir de penser à une chose ou de n'y pas penser, de se mouvoir ou de ne se mouvoir pas, conformément au choix de son propre esprit
, Voltaire, ib. oct. 1737.À cela Cicéron n'aurait répondu que par une catilinaire?; en effet, il faut convenir qu'on ne peut guère répondre que par une éloquence vague aux objections contre la liberté?; triste sujet sur lequel le plus sage craint même d'oser penser
, Voltaire, Phil. Newt. part. I, ch. 4.Liberté d'indifférence, faculté attribuée à l'homme par certains philosophes de se décider, indépendamment de tout motif de décision.
Il n'est point de liberté d'indifférence, puisqu'il n'est point de volonté d'indifférence?; la liberté est le pouvoir d'exécuter sa volonté?: le pouvoir est donc soumis à la volonté
, Bonnet, Ess. analyt. âme, ?uv. t. XIV, p. 13, dans POUGENS.Terme de dogmatique. Liberté de contrariété, la liberté de choisir entre le bien et le mal. Liberté de contradiction, liberté de faire ou de ne pas faire une chose déterminée. Liberté prochaine, pouvoir d'exécuter une chose sur-le-champ. Liberté éloignée, celle qui est gênée par des obstacles. Liberté de la justice, la justification que Jésus-Christ a procurée aux hommes par sa mort.
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11État d'une personne qui n'a aucun assujettissement, qui garde son indépendance. Il ne s'est jamais marié, et il a voulu garder sa liberté. S'il avait accepté cette place, il aurait fallu qu'il sacrifiât sa liberté.
Qu'heureux est le mortel? Qui de la liberté forme tout son plaisir, Et ne rend qu'à lui seul compte de son loisir?!
Boileau, Ép. VI.Est-ce un bien pour l'homme que la liberté, si elle peut être trop grande et trop étendue, telle enfin qu'elle ne serve qu'à lui faire désirer quelque chose, qui est d'avoir moins de liberté??
La Bruyère, XII.La liberté n'est pas oisiveté?; c'est un usage libre du temps, c'est le choix du travail et de l'exercice
, La Bruyère, XII.Être libre en un mot n'est pas ne rien faire?; c'est être seul arbitre de ce qu'on fait, ou de ce qu'on ne fait point?; quel bien en ce sens que la liberté?!
La Bruyère, XII. -
12État d'un c?ur libre, exempt de passion. Cette femme lui a fait perdre sa liberté.
Et mille libertés à vos chaînes offertes
, Molière, l'Ét. V, 13.Je vois d'ici des yeux qui ont la mine? de faire insulte aux libertés
, Molière, Préc. 10.S'ils n'ont point de bonheur, en est-il sur la terre?? Quel mortel, inhabile à la félicité, Regrettera jamais sa triste liberté, Si jamais des amants il a connu les chaînes??
Chénier, Élég. XXVI. -
13Absence de contrainte. Les règles de l'étiquette nuisent à la liberté de la conversation. On jouit à la campagne de plus de liberté qu'à la ville.
Prenez donc en ces lieux liberté tout entière
, Corneille, Pomp. III, 5.Laissez donc cette reine en pleine liberté
, Corneille, Nicom. IV, 5.Mettre en liberté ma tristesse et leur joie
, Racine, Iphig. II, 1.Eucharis aurait été en pleine liberté avec Télémaque
, Fénelon, Tél. VII. -
14Liberté d'esprit, état d'une personne qu'aucune préoccupation n'assiége. Je n'ai pas la liberté d'esprit nécessaire pour m'occuper de ce travail.
Elle [la Dauphine] a paru [à la cour] dès le premier moment avec la même liberté d'esprit et d'action que si elle était née au Louvre
, Scudéry, les Conversations, dialogue.Il perd la liberté de son esprit
, Fénelon, Tél. XI.Il lui fut impossible de retrouver la moindre liberté d'esprit dans tout le reste de la soirée
, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 156, dans POUGENS.On dit de même?: avoir l'esprit en liberté.
J'ai l'esprit fort en liberté du côté de la guerre
, Sévigné, 301. -
15Liberté de langage, ou, simplement, liberté, hardiesse à dire ce qu'on pense. Il a parlé au prince avec une grande liberté.
Tertullien a bien osé dire qu'ils [les empereurs] n'étaient pas capables d'y être reçus [dans l'Église]?; vous allez être étonnés de la liberté de cette parole?
, Bossuet, Panég. St Thomas, 2.Je répondrai, madame, avec la liberté D'un soldat qui sait mal farder la vérité
, Racine, Brit. I, 2.Donner liberté à sa plume, écrire sans réticence ce qu'on pense.
Je suis au désespoir d'avoir donné liberté à ma plume sur ce sujet [le libre arbitre et la Providence]
, Sévigné, t. X, p. 544, éd. RÉGNIER. -
16Manière d'agir familière, ou dans laquelle on ne se contraint pas. Agir avec une honnête liberté.
La liberté que vos docteurs se donnent d'examiner les choses
, Pascal, Prov. V.On peut prendre la liberté de dire au moins ses volontés
, Sévigné, 139.Je prends la liberté de me moquer de lui
, Sévigné, 602.Quelle liberté s'est-elle donnée qui pût, je ne dis pas mériter une censure, mais souffrir une mauvaise interprétation??
Fléchier, Mar.-Thér.Un flatteur prit la liberté de lui parler à l'oreille
, Fénelon, Tél. XI.Il se dit dans ce sens très souvent au pluriel.
Ma s?ur, je vous demande un généreux pardon, Si de mes libertés j'ai taché votre nom
, Molière, Éc. des m. III, 10.Quel droit n'aurais-je pas, mes chers auditeurs, de vous reprocher aujourd'hui, je ne dirai pas de semblables libertés, mais des libertés bien plus dangereuses??
Bourdaloue, Sur le scandale, 1er avent, p. 103.Vous abusez, Créon, de l'état où nous sommes?; Tout vous semble permis, mais craignez mon courroux, Vos libertés enfin retomberont sur vous
, Racine, Théb. I, 5.Anacharsis ne pouvait souffrir les libertés que chacun se donnait dans les festins
, Fénelon, Anacharsis.Parler sans cesse à un grand que l'on sert? faire le familier, prendre des libertés, marque mieux un fat qu'un favori
, La Bruyère, II.Un de ces jeunes gens dit?: S'il fallait prendre des libertés avec la reine ou avec Mme Scarron, je ne balancerais pas, j'en prendrais plutôt avec la reine
, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 14, dans POUGENS.Ibrahim tombe des nues, quand il voit le faux lbrahim dans toutes les libertés d'un maître
, Montesquieu, Lett. pers. 141.On a vu le lion dédaigner de petits ennemis et leur pardonner des libertés offensantes
, Buffon, Morceaux choisis, p. 216.Prendre des libertés avec une femme, se permettre des paroles ou des actions entreprenantes.
Dans la conversation on dit souvent par politesse?: J'ai pris, je prends, je prendrai la liberté de faire telle chose, pour dire?: j'ai fait, je fais, je ferai telle chose.
Demander la liberté, demander la permission.
Liberté grande, se dit, par plaisanterie, de quelque acte, de quelque parole trop peu réservée ou respectueuse.
Je proposai à mon homme de jouer une petite pistole au trictrac, en attendant que nos gens eussent soupé?; ce ne fut pas sans beaucoup de façons qu'il y consentit, en me demandant pardon de la liberté grande
, Hamilton, Gramm. 3. -
17Permission, congé, licence.
Quand on n'écoute plus la tradition? la vérité n'a plus la liberté de paraître
, Pascal, Pens. XXIII, 37, éd. HAVET.Vous aurez la liberté de dire qu'un juge peut en conscience retenir ce qu'il a reçu pour faire une injustice, sans qu'on ait la liberté de vous contredire
, Pascal, Prov. X.Je vous assure que personne du monde n'en apprendra rien par nous, que vous ne nous en donniez la liberté
, Sévigné, 11 sept. 1680.Je demandai la liberté d'être seule
, Sévigné, 6 févr. 1671.Il [le roi d'Angleterre] a parlé à ses milords, donné liberté aux moins affectionnés, et renouvelé l'attachement des plus fidèles
, Sévigné, 13 oct. 1688.Leur antiquité [des anciennes familles], en remontant plus loin aux siècles passés dont la mémoire est toute effacée, a donné aux hommes une plus grande liberté de feindre
, Bossuet, Gornay. -
18Liberté, se dit quelquefois pour licence poétique.
Si ces libertés ne sont pas permises aux poëtes, et surtout aux poëtes de génie, il ne faut point faire de vers
, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Hor. I, 4. -
19Aisance dans les mouvements et les opérations. Une douleur de rhumatisme lui ôte la liberté de ses membres. Il fait tout avec beaucoup de liberté et de grâce.
Combien de temps, de règles, d'attention et de travail pour danser avec la même liberté et la même grâce que l'on sait marcher?!
La Bruyère, XII.Dans un être animé, la liberté des mouvements fait la belle nature
, Buffon, Cheval.Terme de beaux-arts. Liberté de pinceau, de crayon, de burin, facilité avec laquelle l'artiste manie ces instruments.
- 20Se dit aussi de l'aisance avec laquelle se meuvent les choses inanimées. Ce ressort n'a pas assez de liberté.
- 21Liberté de ventre, facilité avec laquelle le ventre fait ses fonctions.
- 22 Terme de manége. Liberté de langue, espèce d'arcade pratiquée dans le canon du mors à l'effet de loger la langue du cheval.
-
23En liberté, loc. adv. Sans gêne, sans obstacle. Agir en liberté, en pleine liberté.
Je veux laisser chacun en liberté de ses sentiments
, Corneille, Ex. de Rodog.Et souffre que ma haine agisse en liberté
, Corneille, M. de Pomp. V, 6.Je fus en liberté de le voir
, Pascal, dans COUSIN.Elle-même a choisi cet endroit écarté Où nos c?urs à nos yeux parlent en liberté
, Racine, Baj. I, 1.Osez-vous en ces lieux gémir en liberté??
Voltaire, Orph. II, 2.Terme de manége. Sauteur en liberté, cheval dressé à faire des sauts pour accoutumer le cavalier à se tenir ferme en selle.
-
24Filet qui sert à élever et à baisser les brins de cannes dont on fait des fauteuils, pour faciliter le passage d'une aiguille de même matière.
PROVERBE
Liberté et pain cuit, c'est-à-dire on est heureux lorsqu'on a l'indépendance et une existence assurée.
HISTORIQUE
XIVe s. L'orgueil du roy Tarquin avoit esté cause que la liberté nouvellement acquise fust plus agreable au peuple romain
, Bercheure, f° 27, verso. L'ame des bestes humaines ne puet morir, et Dieu aime tant beste humaine, qu'il lui a donné celle liberté [libre arbitre]
, Modus, f° XX. Que ta liberté passée soit un peu refrenée et mise au droit des mariés
, Ménagier, I, 6.
XVIe s. À fin que la liberté d'ordonner, juger et choisir demeurast au maistre
, Montaigne, I, 59. L'indocile liberté
, Montaigne, I, 97. Ce qu'il y a à dire entre la licence et la liberté
, Montaigne, I, 172. Un pauvre moine que l'on pendoit pour avoir esté trouvé faisant la guerre?: Helas, messieurs, dit-il, je suis bien marry de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à discretion de conscience?; il n'osa dire liberté, de peur d'estre estimé huguenot
, Moyen de parvenir, p. 13, dans LACURNE. Pour decharger ma nef, j'ay franchement jetté Tout ce qui m'estoit cher, l'ame et la liberté, Et n'ay point de regret d'avoir fait cette perte
, Desportes, Cléonice, XXIII. Les bestes (ce m'aid' Dieu), si les hommes ne font trop les sourds, leur crient?: Vive liberté?; plusieurs y en a d'entr'elles, qui meurent si tost qu'elles sont prinses
, La Boétie, Servit. volont.
Encyclopédie, 1re édition
LIBERTÉ, s. f. (Morale.) La liberté réside dans le pouvoir qu'un être intelligent a de faire ce qu'il veut, conformément à sa propre détermination. On ne sauroit dire que dans un sens fort impropre, que cette faculté ait lieu dans les jugemens que nous portons sur les vérités, par rapport à celles qui sont évidentes ; elles entraînent notre consentement, & ne nous laissent aucune liberté. Tout ce qui dépend de nous, c'est d'y appliquer notre esprit ou de l'en éloigner. Mais dès que l'évidence diminue, la liberté rentre dans ses droits, qui varient & se reglent sur les degrés de clarté ou d'obscurité : les biens & les maux en sont les principaux objets. Elle ne s'étend pas pourtant sur les notions générales du bien & du mal. La nature nous a faits de maniere, que nous ne saurions nous porter que vers le bien, & qu'avoir horreur du mal envisagé en général ; mais dès qu'il s'agit du détail, notre liberté a un vaste champ, & peut nous déterminer de bien des côtés différens, suivant les circonstances & les motifs. On se sert d'un grand nombre de preuves, pour montrer que la liberté est une prérogative réelle de l'homme ; mais elles ne sont pas toutes également fortes. M. Turretin en rapporte douze : en voici la liste. 1°. Notre propre sentiment qui nous fournit la conviction de la liberté. 2°. Sans liberté, les hommes seroient de purs automates, qui suivroient l'impulsion des causes, comme une montre s'assujettit aux mouvemens dont l'horloger l'a rendue susceptible. 3°. Les idées de vertu & de vice, de louange & de blâme qui nous sont naturelles, ne signifieroient rien. 4°. Un bienfait ne seroit pas plus digne de reconnoissance que le feu qui nous échauffe. 5°. Tout devient nécessaire ou impossible. Ce qui n'est pas arrivé ne pourroit arriver. Ainsi tous les projets sont inutiles ; toutes les regles de la prudence sont fausses, puisque dans toutes choses la fin & les moyens sont également nécessairement déterminés. 6°. D'où viennent les remords de la conscience, & qu'ai-je à me reprocher si j'ai fait ce que je ne pouvois éviter de faire ? 7°. Qu'est-ce qu'un poëte, un historien, un conquérant, un sage législateur ? Ce sont des gens qui ne pouvoient agir autrement qu'ils ont fait. 8°. Pourquoi punir les criminels, & récompenser les gens de bien ? Les plus grands scélérats sont des victimes innocentes qu'on immole, s'il n'y a point de liberté. 9°. A qui attribuer la cause du péché, qu'à Dieu ? Que devient la Religion avec tous ses devoirs ? 10°. A qui Dieu donne-t-il des lois, fait-il des promesses & des menaces, prépare-t-il des peines & des récompenses ? à de purs machines incapables de choix ? 11°. S'il n'y a point de liberté, d'où en avons-nous l'idée ? Il est étrange que des causes nécessaires nous ayent conduit à douter de leur propre nécessité. 12°. Enfin les fatalistes ne sauroient se formaliser de quoi que ce soit qu'on leur dit, & de ce qu'on leur fait.
Pour traiter ce sujet avec précision, il faut donner une idée des principaux systèmes qui le concernent. Le premier système sur la liberté, est celui de la fatalité. Ceux qui l'admettent, n'attribuent pas nos actions à nos idées, dans lesquelles seules réside la persuasion, mais à une cause méchanique, laquelle entraîne avec soi la détermination de la volonté ; de maniere que nous n'agissons pas, parce que nous le voulons, mais que nous voulons, parce que nous agissons. C'est là la vraie distinction entre la liberté & la fatalité. C'est précisément celle que les Stoïciens reconnoissoient autrefois, & que les Mahométans admettent encore de nos jours. Les Stoïciens pensoient donc que tout arrive par une aveugle fatalité ; que les événemens se succedent les uns aux autres, sans que rien puisse changer l'étroite chaîne qu'ils forment entr'eux ; enfin que l'homme n'est point libre. La liberté, disoient-ils, est une chimere d'autant plus flateuse, que l'amour-propre s'y prête tout entier. Elle consiste en un point assez délicat, en ce qu'on se rend témoignage à soi-même de ses actions, & qu'on ignore les motifs qui les ont fait faire : il arrive de-là, que méconnoissant ces motifs, & ne pouvant rassembler les circonstances qui l'ont déterminé à agir d'une certaine maniere, chaque homme se félicite de ses actions, & se les attribue.
Le fatum des Turcs vient de l'opinion où ils sont que tout est abreuvé des influences célestes, & qu'elles reglent la disposition future des événemens.
Les Esséniens avoient une idée si haute & si décisive de la providence, qu'ils croyoient que tout arrive par une fatalité inévitable, & suivant l'ordre que cette providence a établi, & qui ne change jamais. Point de choix dans leur système, point de liberté. Tous les événemens forment une chaîne étroite & inaltérable : ôtez un seul de ces événemens, la chaîne est rompue, & toute l'économie de l'univers est troublée. Une chose qu'il faut ici remarquer, c'est que la doctrine qui détruit la liberté, porte naturellement à la volupté ; & qui ne consulte que son goût, son amour-propre & ses penchans, trouve assez de raisons pour la suivre & pour l'approuver : cependant les m?urs des Esséniens & des Stoïciens ne se ressentoient point du désordre de leur esprit.
Spinosa, Hobbes & plusieurs autres ont admis de nos jours une semblable fatalité.
Spinosa a répandu cette erreur dans plusieurs endroits de ses ouvrages ; l'exemple qu'il allegue pour éclaircir la matiere de la liberté, suffira pour nous en convaincre. « Concevez, dit-il, qu'une pierre, pendant qu'elle continue à se mouvoir, pense & sache qu'elle s'efforce de continuer autant qu'elle peut son mouvement ; cette pierre par cela même qu'elle a le sentiment de l'effort qu'elle fait pour se mouvoir, & qu'elle n'est nullement indifférente entre le mouvement & le repos, croira qu'elle est très-libre, & qu'elle persévere à se mouvoir uniquement parce qu'elle le veut. Et voilà quelle est cette liberté tant vantée, & qui consiste seulement dans le sentiment que les hommes ont de leurs appétits, & dans l'ignorance des causes de leurs déterminations ». Spinosa ne dépouille pas seulement les créatures de la liberté, il assujettit encore son Dieu à une brute & fatale nécessité : c'est le grand fondement de son système. De ce principe il s'ensuit qu'il est impossible qu'aucune chose qui n'existe pas actuellement, ait pû exister, & que tout ce qui existe, existe si nécessairement qu'il ne sauroit n'être pas ; & enfin qu'il n'y a pas jusqu'aux manieres d'être, & aux circonstances de l'existence des choses, qui n'ayent dû être à tous égards précisément ce qu'elles sont aujourd'hui. Spinosa admet en termes exprès ces conséquences, & il ne fait pas difficulté d'avouer qu'elles sont des suites naturelles de ses principes.
On peut réduire tous les argumens dont Spinosa & ses sectateurs se sont servis pour soutenir cette absurde hypothèse, à ces deux. Ils disent 1°. que puisque tout effet présuppose une cause, & que, de la même maniere que tout mouvement qui arrive dans un corps lui est causé par l'impulsion d'un autre corps, & le mouvement de ce second par l'impulsion d'un troisieme ; & ainsi chaque volition, & chaque détermination de la volonté de l'homme, doit nécessairement être produite par quelque cause extérieure, & celle-ci par une troisieme ; d'où ils concluent que la liberté de la volonté n'est qu'une chimere. Ils disent en second lieu que la pensée avec tous ses modes, ne sont que des qualités de la matiere ; & par conséquent qu'il n'y a point de liberté de volonté, puisqu'il est évident que la matiere n'a pas en elle-même le pouvoir de commencer le mouvement, ou de se donner à elle-même la moindre détermination.
En troisieme lieu, ils ajoûtent que ce que nous sommes dans l'instant qui va suivre, dépend si nécessairement de ce que nous sommes dans l'instant présent, qu'il est métaphysiquement impossible que nous soyons autres. Car, continuent-ils, supposons une femme qui soit entraînée par sa passion à se jetter tout à-l'heure entre les bras de son amant ; si nous imaginons cent mille femmes entierement semblables à la premiere, d'âge, de tempérament, d'éducation, d'organisation, d'idées, telles en un mot, qu'il n'y ait aucune différence assignable entr'elles & la premiere : on les voit toutes également soumises à la passion dominante, & précipitées entre les bras de leurs amans, sans qu'on puisse concevoir aucune raison pour laquelle l'une ne feroit pas ce que toutes les autres feront. Nous ne faisons rien qu'on puisse appeller bien ou mal, sans motif. Or il n'y a aucun motif qui dépende de nous, soit eu égard à sa production, soit eu égard à son énergie. Prétendre qu'il y a dans l'ame une activité qui lui est propre ; c'est dire une chose inintelligible, & qui ne résout rien. Car il faudra toujours une cause indépendante de l'ame qui détermine cette activité à une chose plutôt qu'à une autre ; & pour reprendre la premiere partie du raisonnement, ce que nous sommes dans l'instant qui va suivre, dépend donc absolument de ce que nous sommes dans l'instant présent ; ce que nous sommes dans l'instant présent, dépend donc de ce que nous étions dans l'instant précédent ; & ainsi de suite, en remontant jusqu'au premier instant de notre existence, s'il y en a un. Notre vie n'est donc qu'un enchaînement d'instans d'existences & d'actions nécessaires ; notre volonté, un acquiescement à être ce que nous sommes nécessairement dans chacun de ces instans, & notre liberté une chimère ; ou il n'y a a rien de démontré en aucun genre ou cela l'est. Mais ce qui confirme sur-tout ce système, c'est le moment de la délibération, le cas de l'irrésolution. Qu'est-ce que nous faisons dans l'irrésolution ? nous oscillons entre deux ou plusieurs motifs, qui nous tirent alternativement en sens contraire. Notre entendement est alors comme créateur & spectateur de la nécessité de nos balancemens. Supprimez tous les motifs qui nous agitent, alors inertie & repos nécessaires. Supposez un seul & unique motif ; alors une action nécessaire. Supposez deux ou plusieurs motifs conspirans, même nécessité, & plus de vîtesse dans l'action. Supposez deux ou plusieurs motifs opposés & à-peu-près de forces égales, alors oscillations, oscillations semblables à celles des bras d'une balance mise en mouvement, & durables jusqu'à ce que le motif le plus puissant fixe la situation de la balance & de l'ame. Et comment se pourroit-il faire que le motif le plus foible fût le motif déterminant ? Ce seroit dire qu'il est en même tems le plus foible & le plus fort. Il n'y a de différence entre l'homme automate qui agit dans le sommeil, & l'homme intelligent qui agit & qui veille, sinon que l'entendement est plus présent à la chose ; quant à la nécessité, elle est la même. Mais, leur dit-on, qu'est-ce que ce sentiment intérieur de notre liberté ? l'illusion d'un enfant qui ne réfléchit sur rien. L'homme n'est donc pas différent d'un automate ? Nullement différent d'un automate qui sent ; c'est une machine plus composée ? Il n'y a donc plus de vicieux & de vertueux ? non, si vous le voulez ; mais il y a des êtres heureux ou malheureux, bienfaisans & malfaisans. Et les récompenses & les châtimens ? Il faut bannir ces mots de la Morale ; on ne récompense point, mais on encourage à bien faire ; on ne châtie point, mais on étouffe, on effraye ? Et les lois, & les bons exemples, & les exhortations, à quoi servent-elles ? Elles sont d'autant plus utiles, qu'elles ont nécessairement leurs effets. Mais, pourquoi distinguez-vous par votre indignation & par votre colere, l'homme qui vous offense, de la tuile qui vous blesse ? c'est que je suis déraisonnable, & qu'alors je ressemble au chien qui mord la pierre qui l'a frappé. Mais cette idée de liberté que nous avons, d'où vient-elle ? De la même source qu'une infinité d'autres idées fausses que nous avons ? En un mot, concluent-ils, ne vous effarouchez pas à contre-tems. Ce système qui vous paroît si dangereux, ne l'est point ; il ne change rien au bon ordre de la société. Les choses qui corrompent les hommes seront toujours à supprimer ; les choses qui les améliorent, seront toujours à multiplier & à fortifier. C'est une dispute de gens oisifs, qui ne mérite point la moindre animadversion de la part du législateur. Seulement notre système de la nécessité assure à toute cause bonne, ou conforme à l'ordre établi, son bon effet ; à toute cause mauvaise ou contraire à l'ordre établi, son mauvais effet ; & en nous prêchant l'indulgence & la commisération pour ceux qui sont malheureusement nés, nous empêche d'être si vains de ne pas leur ressembler ; c'est un bonheur qui n'a dépendu de nous en aucune façon.
En quatrieme lieu, ils demandent si l'homme est un être simple tout spirituel, ou tout corporel, ou un être composé. Dans les deux premiers cas, ils n'ont pas de peine à prouver la nécessité de ses actions ; & si on leur répond que c'est un être composé de deux principes, l'un matériel & l'autre immatériel, voici comment ils raisonnent. Ou le principe spirituel est toujours dépendant du principe immatériel, ou toujours indépendant. S'il en est toujours dépendant, nécessité aussi absolue que si l'être étoit un, simple & tout matériel, ce qui est vrai. Mais si on leur soutient qu'il en est quelquefois dépendant, & quelquefois indépendant ; si on leur dit que les pensées de ceux qui ont la fievre chaude & des fous ne sont pas libres, au lieu qu'elles le sont dans ceux qui sont sains : ils répondent qu'il n'y a ni uniformité ni liaison dans notre système, & que nous rendons les deux principes indépendans, selon le besoin que nous avons de cette supposition pour nous défendre, & non selon la vérité de la chose. Si un fou n'est pas libre, un sage ne l'est pas davantage ; & soutenir le contraire, c'est prétendre qu'un poids de cinq livres peut n'être pas emporté par un poids de six. Mais si un poids de cinq livres peut n'être pas emporté par un poids de six, il ne le sera pas non plus par un poids de mille ; car alors il résiste à un poids de six livres par un principe indépendant de sa pesanteur ; & ce principe, quel qu'il soit, n'aura pas plus de proportion avec un poids de mille livres qu'avec un poids de six livres, parce qu'il faut alors qu'il soit d'une nature différente de celle des poids.
Voilà certainement les argumens les plus forts qu'on puisse faire contre notre sentiment. Pour en montrer la vanité, je leur opposerai les trois propositions suivantes : La premiere est qu'il est faux que tout effet soit le produit de quelque cause externe ; qu'au contraire il faut de toute nécessité reconnoître un commencement d'action, c'est-à-dire un pouvoir d'agir indépendamment d'aucune action précédente, & que ce pouvoir peut être & est effectivement dans l'homme. Ma seconde proposition est que la pensée & la volonté ne sont ni ne peuvent être des qualités de la matiere. La troisieme enfin, que quand bien même l'ame ne seroit pas une substance distincte du corps, & qu'on supposeroit que la pensée & la volonté ne sont que des qualités de la matiere ; cela même ne prouveroit pas que la liberté de la volonté fût une chose impossible.
Je dis, 1°. que tout effet ne peut pas être produit par des causes externes, mais qu'il faut de toute nécessité reconnoitre un commencement d'action, c'est-à-dire, un pouvoir d'agir indépendamment d'aucune action antécédente, & que ce pouvoir est actuellement dans l'homme. Cela a déja été prouvé dans l'article du Concours.
Je dis en second lieu, que la pensée & la volonté n'étant point des qualités de la matiere, elles ne peuvent pas par conséquent être soumises à ses lois ; car tout ce qui est fait ou composé d'une chose, il est toujours cette même chose dont il est composé. Par exemple, tous les changemens, toutes les compositions, toutes les divisions possibles de la figure ne sont autre chose que figure ; & toutes les compositions, tous les effets possibles du mouvement ne seront jamais autre chose que mouvement. Si donc il y a eu un tems où il n'y ait eu dans l'univers autre chose que matiere & que mouvement, il faudra dire qu'il est impossible que jamais il y ait pû avoir dans l'univers autre chose que matiere & que mouvement. Dans cette supposition, il est aussi impossible que l'intelligence, la réfléxion & toutes les diverses sensations ayent jamais commencé à exister ; qu'il est maintenant impossible que le mouvement soit bleu ou rouge, & que le triangle soit transformé en un son. Voyez l'article de l'Ame, où cela a été prouvé plus au long.
Mais quand même j'accorderois à Spinosa & à Hobbes que la pensée & la volonté peuvent être & sont en effet des qualités de la matiere, tout cela ne décideroit point en leur faveur la question présente sur la liberté, & ne prouveroit pas qu'une volonté libre fût une chose impossible ; car, puisque nous avons déja démontré que la pensée & la volonté ne peuvent pas être des productions de la figure & du mouvement, il est clair que tout homme qui suppose que la pensée & la volonté sont des qualités de la matiere, doit supposer aussi que la matiere est capable de certaines propriétés entierement différentes de la figure & du mouvement. Or si la matiere est capable de telles propriétés, comment prouvera-t-on que les effets de la figure & du mouvement, étant tous nécessaires, les effets des autres propriétés de la matiere entierement distinctes de celles-là, doivent être pareillement nécessaires ? Il paroit par là que l'argument dont Hobbes & ses sectateurs font leur grand bouclier, n'est qu'un pur sophisme ; car ils supposent d'un côté que la matiere est capable de pensée & de volonté, d'où ils concluent que l'ame n'est qu'une pure matiere. Sachant d'un autre côté que les effets de la figure & du mouvement doivent tous être nécessaires, ils en concluent que toutes les opérations de l'ame sont nécessaires ; c'est-à-dire, que lorsqu'il s'agit de prouver que l'ame n'est que pure matiere, ils supposent la matiere capable non seulement de figure & de mouvement, mais aussi d'autres propriétés inconnues. Au contraire, s'agit-il de prouver que la volonté & les autres opérations de l'ame sont des choses nécessaires, ils dépouillent la matiere de ces prétendues propriétés inconnues, & n'en font plus qu'un pur solide, composé de figure & de mouvement.
Après avoir satisfait à quelques objections qu'on fait contre la liberté, attaquons à notre tour les partisans de l'aveugle fatalité. La liberté brille dans tout son jour, soit qu'on la considere dans l'esprit, soit qu'on l'examine par rapport à l'empire qu'elle exerce sur le corps. Et 1°. quand je veux penser à quelque chose, comme à la vertu que l'aimant a d'attirer le fer ; n'est-il pas certain que j'applique mon ame à méditer cette question toutes les fois qu'il me plaît, & que je l'en détourne quand je veux ? Ce seroit chicaner honteusement que de vouloir en douter. Il ne s'agit plus que d'en découvrir la cause. On voit, 1°. que l'objet n'est pas devant mes yeux ; je n'ai ni fer ni aimant, ce n'est donc pas l'objet qui m'a déterminé à y penser. Je sais bien que quand nous avons vu une fois quelque chose, il reste quelques traces dans le cerveau qui facilitent la détermination des esprits. Il peut arriver de-là que quelquefois ces esprits coulent d'eux-mêmes dans ces traces, sans que nous en sachions la cause ; ou même un objet qui a quelque rapport avec celui qu'ils représentent, peut les avoir excités & réveillés pour agir, alors l'objet vient de lui-même se présenter à notre imagination. De même, quand les esprits animaux sont émus par quelque forte passion, l'objet se représente malgré nous ; & quoi que nous fassions, il occupe notre pensée. Tout cela se fait ; on n'en disconvient pas. Mais il n'est pas question de cela : car outre toutes ces raisons qui peuvent exciter en mon esprit une telle pensée, je sens que j'ai le pouvoir de la produire toutes les fois que je veux. Je pense à ce moment pourquoi l'aimant attire le fer ; dans un moment, si je veux, je n'y penserai plus, & j'occuperai mon esprit à méditer sur le flux & le reflux de la mer. De-là je passerai, s'il me plaît, à rechercher la cause de la pesanteur ; ensuite je rappellerai, si je veux, la pensée de l'aimant, & je la conserverai tant qu'il me plaira. On ne peut agir plus librement. Non seulement j'ai ce pouvoir, mais je sens & je sais que je l'ai. Puis donc que c'est une vérité d'expérience, de connoissance & de sentiment, on doit plûtôt la considérer comme un fait incontestable que comme une question dont on doive disputer. Il y a donc sans contredit, au-dedans de moi, un principe, une cause supérieure qui régit mes pensées, qui les fait naître, qui les éloigne, qui les rappelle en un instant & à son commandement ; & par conséquent il y a dans l'homme un esprit libre, qui agit sur soi-même comme il lui plaît.
A l'égard des opérations du corps, le pouvoir absolu de la volonté n'est pas moins sensible. Je veux mouvoir mon bras, je le remue aussi-tôt ; je veux parler, & je parle à l'instant, &c. On est intérieurement convaincu de toutes ces vérités, personne ne les nie : rien au monde n'est capable de les obscurcir. On ne peut donner ni se former une idée de la liberté, quelque grande, quelque indépendante qu'elle puisse être, que je n'éprouve & ne reconnoisse en moi-même à cet égard. Il est ridicule de dire que je crois être libre, parce que je suis capable & susceptible de plusieurs déterminations occasionnées par divers mouvemens que je ne connois pas : car je sais, je connois & je sens que les déterminations, qui font que je parle, ou que je me tais, dépendent de ma volonté ; nous ne sommes donc pas libres seulement en ce sens, que nous avons la connoissance de nos mouvemens, & que nous ne sentons ni force ni contrainte ; au contraire, nous sentons que nous avons chez nous le maître de la machine qui en conduit les ressorts comme il lui plaît. Malgré toutes les raisons & toutes les déterminations qui me portent & me poussent à me promener, je sens & je suis persuadé que ma volonté peut à son gré arrêter & suspendre à chaque instant l'effet de tous ces ressorts cachés qui me font agir. Si je n'agissois que par ces ressorts cachés, par les impressions des objets, il faudroit nécessairement que j'accomplisse tous les mouvemens qu'ils seroient capables de produire ; de même qu'une bille poussée acheve sur la table du billard tout le mouvement qu'elle a reçu.
On pourroit alléguer plusieurs occasions dans la vie humaine, où l'empire de cette liberté s'exerce avec tant de pouvoir qu'elle dompte les corps, & en réprime avec violence tous les mouvemens. Dans l'exercice de la vertu, où il s'agit de résister à une forte passion, tous les mouvemens du corps sont déterminés par la passion ; mais la volonté s'y oppose & les reprime par la seule raison du devoir. D'un autre côté, quand on fait réfléxion sur tant de personnes qui se sont privées de la vie, sans y être poussées, ni par la folie, ni par la fureur, &c. mais par la seule vanité de faire parler d'eux, ou pour montrer la force de leur esprit, &c. il faut nécessairement reconnoitre ce pouvoir de la liberté plus fort que tous les mouvemens de la nature. Quel pouvoir ne faut-il pas exercer sur ce corps pour contraindre de sang-froid la main à prendre un poignard pour se l'enfoncer dans le c?ur.
Un des plus beaux esprits de notre siecle a voulu essayer jusqu'à quel point on pouvoit soutenir un paradoxe. Son imagination libertine a osé se jouer sur un sujet aussi respectable que celui de la liberté. Voici l'objection dans toute sa force. Ce qui est dépendant d'une chose, a certaines proportions avec cette même chose-là ; c'est-à-dire, qu'il reçoit des changemens, quand elle en reçoit selon la nature de leur proportion. Ce qui est indépendant d'une chose, n'a aucune proportion avec elle ; ensorte qu'il demeure égal, quand elle reçoit des augmentations & des dimensions. Je suppose, continue-t-il, avec tous les Métaphysiciens, 1°. que l'ame pense suivant que le cerveau est disposé, & qu'à de certaines dispositions matérielles du cerveau, & à de certains mouvemens qui s'y font, répondent certaines pensées de l'ame. 2°. Que tous les objets même spirituels auxquels on pense, laissent des dispositions matérielles, c'est-à-dire des traces dans le cerveau. 3°. Je suppose encore un cerveau où soient en même tems deux sortes de dispositions matérielles contraires & d'égale force ; les unes qui portent l'ame à penser vertueusement sur un sujet, les autres qui la portent à penser vicieusement. Cette supposition ne peut être refusée ; les dispositions matérielles contraires se peuvent aisément rencontrer ensemble dans le cerveau au même degré, & s'y rencontrent même nécessairement toutes les fois que l'ame délibere, & ne sait quel parti prendre. Cela supposé, je dis, ou l'ame se peut absolument déterminer dans cet équilibre des dispositions du cerveau à choisir entre les pensées vertueuses & les pensées vicieuses, ou elle ne peut absolument se déterminer dans cet équilibre. Si elle peut se déterminer, elle a en elle-même le pouvoir de se déterminer, puisque dans son cerveau tout ne tend qu'à l'indétermination, & que pourtant elle se détermine ; donc ce pouvoir qu'elle a de se déterminer est indépendant des dispositions du cerveau ; donc il n'a nulle proportion avec elles ; donc il demeure le même, quoiqu'elles changent ; donc si l'équilibre du cerveau subsistant, l'ame se détermine à penser vertueusement, elle n'aura pas moins le pouvoir de s'y déterminer, quand ce sera la disposition matérielle à penser vicieusement qui l'emportera sur l'autre ; donc à quelque degré que puisse monter cette disposition matérielle aux pensées vicieuses, l'ame n'en aura pas moins le pouvoir de se déterminer au choix des pensées vertueuses ; donc l'ame a en elle-même le pouvoir de se déterminer malgré toutes les dispositions contraires du cerveau ; donc les pensées de l'ame sont toujours libres. Venons au second cas.
Si l'ame ne peut se déterminer absolument, cela ne vient que de l'équilibre supposé dans le cerveau ; & l'on conçoit qu'elle ne se déterminera jamais, si l'une des dispositions ne vient à l'emporter sur l'autre, & qu'elle se déterminera nécessairement pour celle qui l'emportera ; donc le pouvoir qu'elle a de se déterminer au choix des pensées vertueuses ou vicieuses, est absolument dépendant des dispositions du cerveau ; donc, pour mieux dire, l'ame n'a en elle-même aucun pouvoir de se déterminer, & ce sont les dispositions du cerveau qui la déterminent au vice ou à la vertu ; donc les pensées de l'ame ne sont jamais libres. Or, rassemblant les deux cas ; ou il se trouve que les pensées de l'ame sont toujours libres, ou qu'elles ne le sont jamais en quelque cas que ce puisse être ; or il est vrai & reconnu de tous que les pensées des enfans, de ceux qui rêvent, de ceux qui ont la fievre chaude, & des fous, ne sont jamais libres.
Il est aisé de reconnoître le n?ud de ce raisonnement. Il établit un principe uniforme dans l'ame ; ensorte que le principe est toujours ou indépendant des dispositions du cervau, ou toujours dépendant ; au lieu que dans l'opinion commune, on le suppose quelquefois dépendant, & d'autres fois indépendant.
On dit que les pensées de ceux qui ont la fievre chaude & des fous ne sont pas libres, parce que les dispositions matérielles du cerveau sont atténuées & élevées à un tel degré, que l'ame ne leur peut résister ; au lieu que dans ceux qui sont sains, les dispositions du cerveau sont modérées, & n'entraînent pas nécessairement l'ame. Mais, 1°. dans ce système, le principe n'étant pas uniforme, il faut qu'on l'abandonne ; si je puis expliquer tout par un qui le soit. 2°. Si, comme nous l'avons dit plus haut, un poids de cinq livres pouvoit n'être pas emporté par un poids de six, il ne le seroit pas non plus par un poids de mille ; car s'il résistoit à un poids de six livres par un principe indépendant de la pesanteur : ce principe, quel qu'il fût, d'une nature toute différente de celle des poids, n'auroit pas plus de proportion avec un poids de mille livres, qu'avec un poids de six. Ainsi, si l'ame résiste à une disposition matérielle du cerveau qui la porte à un choix vicieux, & qui, quoique modérée, est pourtant plus forte que la disposition matérielle à la vertu, il faut que l'ame résiste à cette même disposition matérielle du vice, quand elle sera infiniment au-dessus de l'autre ; parce qu'elle ne peut lui avoir résisté d'abord que par un principe indépendant des dispositions du cerveau, & qui ne doit pas changer par les dispositions du cerveau. 3°. Si l'ame pouvoit voir très-clairement, malgré une disposition de l'?il qui devroit affoiblir la vue, on pourroit conclure qu'elle verroit encore malgré une disposition de l'?il qui devroit empêcher entierement la vision, en tant qu'elle est matérielle. 4°. On convient que l'ame dépend absolument des dispositions du cerveau sur ce qui regarde le plus ou le moins d'esprit. Cependant, si sur la vertu ou le vice, les dispositions du cerveau ne déterminent l'ame que lorsqu'elles sont extrèmes, & qu'elles lui laissent la liberté lorsqu'elles sont modérées ; ensorte qu'on peut avoir beaucoup de vertu, malgré une disposition médiocre au vice : il devroit être aussi qu'on peut avoir beaucoup d'esprit, malgré une disposition médiocre à la stupidité, ce qu'on ne peut pas admettre. Il est vrai que le travail augmente l'esprit, ou pour mieux dire, qu'il fortifie les dispositions du cerveau, & qu'ainsi l'esprit croît précisément autant que le cerveau se perfectionne.
En cinquieme lieu, je suppose que toute la différence qui est entre un cerveau qui veille & un cerveau qui dort, est qu'un cerveau qui dort est moins rempli d'esprits, & que les nerfs y sont moins tendus ; de sorte que les mouvemens ne se communiquent pas d'un nerf à l'autre, & que les esprits qui rouvrent une trace n'en rouvrent pas une autre qui lui est liée. Cela supposé, si l'ame est en pouvoir de résister aux dispositions du cerveau, lorsqu'elles sont foibles, elle est toujours libre dans les songes, où les dispositions du cerveau qui la portent à de certaines choses sont toujours très-foibles. Si l'on dit que c'est qu'il ne se présente à elle que d'une sorte de pensée qui n'offrent point matiere de délibération ; je prends un songe où l'on délibere si l'on tuera son ami, ou si l'on ne le tuera pas, ce qui ne peut être produit que par des dispositions matérielles du cerveau qui soient contraires ; & en ce cas il paroît que, selon les principes de l'opinion commune, l'ame devroit être libre.
Je suppose qu'on se réveille lorsqu'on étoit résolu à tuer son ami, & que dès qu'on est réveillé on ne le veut plus tuer ; tout le changement qui arrive dans le cerveau, c'est qu'il se remplit d'esprits, que les nerfs se tendent : il faut voir comment cela produit la liberté. La disposition matérielle du cerveau qui me portoit en songe à tuer mon ami, étoit plus forte que l'autre. Je dis, ou le changement qui arrive à mon cerveau fortifie également toutes les deux, & elles demeurent dans la même disposition où elles étoient ; l'une restant, par exemple, trois fois plus forte que l'autre ; & vous ne sauriez concevoir pourquoi l'ame est libre, quand l'une de ces dispositions a dix degrés de force, & l'autre trente, & pourquoi elle n'est pas libre quand l'une de ces dispositions n'a qu'un degré de force, & l'autre trois.
Si ce changement du cerveau n'a fortifié que l'une de ces dispositions, il faut, pour établir la liberté, que ce soit celle contre laquelle je me détermine, c'est-à-dire, celle qui me portoit à vouloir tuer mon ami ; & alors vous ne sauriez concevoir pourquoi la force qui survient à cette disposition vicieuse est nécessaire, pour faire que je puisse me déterminer en faveur de la disposition vertueuse qui demeure la même ; ce changement paroît plutôt un obstacle à la liberté. Enfin, s'il fortifie une disposition plus que l'autre, il faut encore que ce soit la disposition vicieuse ; & vous ne sauriez concevoir non plus pourquoi la force qui lui survient est nécessaire pour faire que l'une puisse faire embrasser l'autre qui est toujours plus foible, quoique plus forte qu'auparavant.
Si l'on dit que ce qui empêche pendant le sommeil la liberté de l'ame, c'est que les pensées ne se présentent pas à elle avec assez de netteté & de distinction ; je réponds que le défaut de netteté & de distinction dans les pensées, peut seulement empêcher l'ame de se déterminer avec assez de connoissance ; mais qu'il ne la peut empêcher de se déterminer librement, & qu'il ne doit pas ôter la liberté, mais seulement le mérite ou le démérite de la résolution qu'on prend. L'obscurité & la confusion des pensées fait que l'ame ne sait pas assez surquoi elle délibere ; mais elle ne fait pas que l'ame soit entraînée nécessairement à un parti, autrement si l'ame étoit nécessairement entraînée, ce seroit sans doute par celles de ses idées obscures & confuses qui le seroient le moins ; & je demanderois, pourquoi le plus de netteté & de distinction dans les pensées la détermineroit nécessairement pendant que l'on dort, & non pas pendant que l'on veille ; & je ferois revenir tous les raisonnemens que j'ai faits sur les dispositions matérielles.
Reprenons maintenant l'objection par parties. J'accorde d'abord les trois principes que pose l'objection. Cela posé, voyons quel argument on peut faire contre la liberté. Ou l'ame, nous dit-on, se peut absolument déterminer dans l'équilibre des dispositions du cerveau à choisir entre les pensées vertueuses & les pensées vicieuses, ou elle ne peut absolument se déterminer dans cet équilibre. Si elle peut se déterminer ; elle a en elle-même le pouvoir de se déterminer. Jusqu'ici il n'y a point de difficulté ; mais d'en conclure que le pouvoir qu'a l'ame de se déterminer est indépendant des dispositions du cerveau, c'est ce qui n'est pas exactement vrai. Si vous ne voulez dire par-là que ce qu'on entend ordinairement, savoir que la liberté ne réside pas dans le corps, mais seulement que l'ame en est le siege, la source & l'origine, je n'aurai sur cela aucune dispute avec vous ; mais si vous voulez en inférer que, quelles que soient les dispositions matérielles du cerveau, l'ame aura toujours le pouvoir de se déterminer au choix qui lui plaira ; c'est ce que je vous nierai. La raison en est, que l'ame pour se déterminer librement, doit nécessairement exercer toutes ses fonctions, & que pour les exercer, elle a besoin d'un corps prêt à obéir à tous ses commandemens, de même qu'un joueur de luth, doit avoir un luth dont toutes les cordes soient tendues & accordées, pour jouer les airs avec justesse : or il peut fort bien se faire que les dispositions matérielles du cerveau soient telles que l'ame ne puisse exercer toutes ses fonctions, ni par conséquent sa liberté : car la liberté consiste dans le pouvoir qu'on a de fixer ses idées, d'en rappeller d'autres pour les comparer ensemble, de diriger le mouvement de ses esprits, de les arrêter dans l'état où ils doivent être pour empêcher qu'une idée ne s'échappe, de s'opposer au torrent des autres esprits qui viendroient à la traverse imprimer à l'ame malgré elle d'autres idées. Or le cerveau est quelquefois tellement disposé, que ce pouvoir manque absolument à l'ame, comme cela se voit dans les enfans, dans ceux qui rêvent, &c. Posons un vaisseau mal fabriqué, un gouvernail mal-fait, le pilote avec tout son art, ne pourra point le conduire comme il souhaite : de même aussi un corps mal formé, un tempérament dépravé produira des actions déréglées. L'esprit humain ne pourra pas plus apporter de remede à ce déréglement pour le corriger, qu'un pilote au désordre du mouvement de son vaisseau.
Mais enfin, direz-vous, le pouvoir que l'ame a de se déterminer, est-il absolument dépendant des dispositions du cerveau, ou ne l'est-il pas ? Si vous dites que ce pouvoir de l'ame est absolument dépendant des dispositions du cerveau, vous direz aussi que l'ame ne se déterminera jamais, si l'une des dispositions du cerveau ne vient à l'emporter sur l'autre, & qu'elle se déterminera nécessairement pour celle qui l'emportera. Si au contraire vous supposez que ce pouvoir est indépendant des dispositions du cerveau, vous devez reconnoître pour libres les pensées des enfans, de ceux qui rêvent, &c. Je réponds que le pouvoir que l'ame a de se déterminer est quelquefois dépendant des dispositions du cerveau, & d'autres fois indépendant. Il est dépendant toutes les fois que le cerveau qui sert à l'ame d'organe & d'instrument pour exercer ses fonctions, n'est pas bien disposé ; alors les ressorts de la machine étant détraqués, l'ame est entraînée sans pouvoir exercer sa liberté. Mais le pouvoir de se déterminer est indépendant des dispositions matérielles du cerveau, lorsque ces dispositions sont modérées, que le cerveau est plein d'esprits, & que les nerfs sont tendus. La liberté sera d'autant plus parfaite que l'organe du cerveau sera mieux constitué, & que ses dispositions seront plus modérées. Je ne saurois vous marquer quelles sont les bornes au-delà desquelles s'évanouit la liberté. Tout ce que je sais, c'est que le pouvoir de se déterminer sera absolument indépendant des dispositions du cerveau, toutes les fois que le cerveau sera plein d'esprits, que ses fibres seront fermes, qu'elles seront tendues, & que les ressorts de la machine ne seront point démontés, ni par les accidens, ni par les maladies. Le principe, dites-vous, n'est pas uniforme dans l'ame. Il est bien plus conforme à la Philosophie de supposer l'ame ou toujours libre ou toujours esclave. Et moi, je dis que l'expérience est la seule vraie Physique. Or que nous dit-elle cette expérience ? Elle nous dit que nous sommes quelquefois emportés malgré nous ; d'où je conclus, donc nous sommes quelquefois maîtres de nous ; la maladie prouve la santé, & la liberté est la santé de l'ame. Voyez dans le deuxieme discours sur la liberté ce raisonnement paré & embelli par M. de Voltaire de toutes les graces de la Poésie.
La liberté, dis-tu, t'est quelquefois ravie :
Dieu te la devoit-il immuable, infinie,
Egale en tout état, en tout tems, en tout lieu ?
Tes destins sont d'un homme, & tes v?ux sont d'un Dieu.
Quoi ! dans cet océan, cet atome qui nage
Dira : L'immensité doit être mon partage.
Non, tout est foible en toi, changeant, & limité ;
Ta force, ton esprit, tes membres, ta beauté.
La nature, en tout sens, a des bornes prescrites ;
Et le pouvoir humain seroit seul sans limites ?
Mais, dis-moi : quand ton c?ur formé de passions
Se rend, malgré lui-même, à leurs impressions,
Qu'il sent dans ses combats sa liberté vaincue,
Tu l'avois donc en toi, puisque tu l'as perdue.
Une fiévre brûlante attaquant tes ressorts,
Vient à pas inégaux miner ton foible corps.
Mais quoi ! par ce danger répandu sur ta vie,
Ta santé pour jamais n'est point anéantie,
On te voit revenir des portes de la mort,
Plus ferme, plus content, plus tempérant, plus fort.
Connois mieux l'heureux don, que ton chagrin reclame,
La liberté, dans l'homme, est la santé de l'ame.
On la perd quelquefois. La soif de la grandeur,
La colere, l'orgueil, un amour suborneur,
D'un desir curieux les trompeuses saillies ;
Hélas ! combien le c?ur a-t-il de maladies !
Si un poids de cinq livres, dites-vous, pouvoit n'être pas emporté par un poids de six, il ne le seroit pas non plus par un poids de mille. Ainsi, si l'ame résiste à une disposition matérielle du cerveau qui la porte à un choix vicieux, & qui, quoique pourtant modérée, est plus forte que la disposition matérielle à la vertu ; il faut que l'ame résiste à cette même disposition matérielle du vice, quand elle sera infiniment au-dessus de l'autre. Je réponds qu'il ne s'ensuit nullement que l'ame puisse résister à une disposition matérielle du vice, quand elle sera infiniment au-dessus de la disposition matérielle à la vertu, précisément parce qu'elle aura résisté à cette même disposition matérielle du vice, quand elle étoit un peu plus forte que l'autre. Quand de deux dispositions contraires, qui sont dans le cerveau, l'une est infiniment plus forte que l'autre, il peut se faire que dans cet état, le mouvement naturel des esprits soit trop violent, & que par conséquent la force de l'ame n'ait nulle proportion avec celle de ces esprits qui l'emportent nécessairement. Quoique le principe par lequel je me détermine soit indépendant des dispositions du cerveau, puisqu'il réside dans mon ame, on peut dire néanmoins qu'il les suppose comme une condition, sans laquelle il deviendroit inutile. Le pouvoir de se déterminer n'est pas plus dépendant des dispositions du cerveau, que le pouvoir de peindre, de graver & d'écrire ; l'art du pinceau, du burin & de la plume ; & de même qu'on ne peut bien écrire, bien graver & bien peindre, si l'on n'a une bonne plume, un bon burin & un pinceau ; ainsi, l'on ne peut agir avec liberté, à moins que le cerveau ne soit bien constitué. Mais aussi de même que le pouvoir d'écrire, de graver & de peindre est absolument indépendant de la plume, du burin & du pinceau ; le pouvoir de se déterminer ne l'est pas moins des dispositions du cerveau.
On convient, dira-t-on, que l'ame dépend absolument des dispositions du cerveau sur ce qui regarde le plus ou le moins d'esprit : cependant, si sur la vertu & sur le vice, les dispositions du cerveau ne déterminent l'ame, que lorsqu'elles sont extrèmes, & qu'elles lui laissent la liberté lorsqu'elles sont modérées : ensorte qu'on peut avoir beaucoup de vertu, malgré une disposition médiocre au vice, il devroit être aussi qu'on peut avoir beaucoup d'esprit malgré une disposition médiocre à la stupidité. J'avoue que je ne sens pas assez le fin de ce raisonnement. Je ne saurois concevoir, pourquoi, pouvant avoir beaucoup de vertu malgré une disposition médiocre au vice, je pourrois aussi avoir beaucoup d'esprit malgré une disposition médiocre à la stupidité. Le plus ou le moins d'esprit dépend du plus ou du moins de délicatesse des organes : il consiste dans une certaine conformation du cerveau, dans une heureuse disposition des fibres. Toutes ces choses n'étant nullement soumises au choix de ma volonté, il ne dépend pas de moi de me mettre en état d'avoir, si je veux, beaucoup de discernement & de pénétration. Mais la vertu & le vice dépendent de ma volonté ; je ne nierai pourtant pas que le tempérament n'y contribue beaucoup, & ordinairement on se fie plus à une vertu qui est naturelle & qui a sa source dans le sang, qu'à celle qui est un pur effet de la raison, & qu'on a acquise à force de soins.
Je suppose, continue-t-on, qu'on se réveille, lorsqu'on étoit résolu à tuer son ami, & que dès qu'on est réveillé, on ne veut plus le tuer. La disposition matérielle du cerveau qui me portoit en songe à vouloir tuer mon ami, étoit plus forte que l'autre. Je dis, ou le changement qui arrive à mon cerveau fortifie également toutes les deux, ou elles demeurent dans la même disposition où elles étoient, l'une restant p. ex. trois fois plus forte que l'autre. Vous ne sauriez concevoir pourquoi l'ame est libre, quand l'une de ces dispositions a dix degrés de force, & l'autre trente ; & pourquoi elle n'est pas libre quand l'une de ces dispositions n'a qu'un degré de force, & l'autre que trois. Cette objection n'a de force, que parce qu'on ne démêle pas assez exactement les différences qui se trouvent entre l'état de veille & celui du sommeil. Si je ne suis pas libre dans le sommeil, ce n'est pas, comme le suppose l'objection, parce que la disposition matérielle du cerveau, qui me porte à tuer mon ami, est trois fois plus forte que l'autre. Le défaut de liberté vient du défaut d'esprit & du relâchement des nerfs. Mais que le cerveau soit une fois rempli d'esprits, & que les nerfs soient tendus, je serai toujours également libre, soit que l'une de ces dispositions ait dix degrés de force, & l'autre trente ; soit que l'une de ces dispositions n'ait qu'un degré de force, & l'autre que trois. Si vous en voulez savoir la raison, c'est que le pouvoir qui est dans l'ame de se déterminer est absolument indépendant des dispositions du cerveau, pourvû que le cerveau soit bien constitué, qu'il soit rempli d'esprits & que les nerfs soient tendus.
L'action des esprits dépend de trois choses, de la nature du cerveau sur lequel ils agissent, de leur nature particuliere & de la quantité, ou de la détermination de leur mouvement. De ces trois choses, il n'y a précisément que la derniere dont l'ame puisse être maîtresse. Il faut donc que le pouvoir seul de mouvoir les esprits suffise pour la liberté. Or, 1°. dites-vous, si le pouvoir de diriger le mouvement des esprits suffit pour la liberté, les enfans doivent être libres, puisque leur ame doit avoir ce pouvoir. 2°. Pourquoi l'ame des fous ne seroit-elle pas libre aussi ? Elle peut encore diriger le mouvement de ses esprits. 3°. L'ame ne devroit jamais avoir plus de facilité à diriger le mouvement de ses esprits que pendant le sommeil, & par conséquent elle ne devroit jamais être plus libre. Je réponds, que le pouvoir de diriger le mouvement de ses esprits ne se trouve ni dans les enfans, ni dans les fous, ni dans ceux qui dorment. La nature du cerveau des enfans s'y oppose. La substance en est trop tendre & trop molle ; les fibres en sont trop délicates, pour que leur ame puisse fixer & arrêter à son gré les esprits qui doivent couler de toutes parts, parce qu'ils trouvent par-tout un passage libre & aisé. Dans les fous, le mouvement naturel de leurs esprits est trop violent, pour que leur ame en soit la maîtresse. Dans cet état, la force de l'ame n'a nulle proportion avec celle des esprits qui l'emportent nécessairement. Enfin, le sommeil ayant détendu la machine du corps, & en ayant amorti tous les mouvemens, les esprits ne peuvent couler librement. Vouloir que l'ame dans cet assoupissement, où tous les sens sont enchaînés, & où tous les ressorts sont relâchés, dirige à son gré le mouvement des esprits ; c'est exiger qu'un joueur de lyre fasse resonner sous son archet une lyre dont les cordes sont détendues.
Un des argumens les plus terribles qu'on ait jamais opposé contre la liberté, est l'impossibilité d'accorder avec elle la prescience de Dieu. Il y a eu des philosophes assez déterminés pour dire que Dieu peut très-bien ignorer l'avenir, à-peu-près s'il est permis de parler ainsi, comme un roi peut ignorer ce que fait un général à qui il aura donné la carte blanche ; c'est le sentiment des Sociniens.
D'autres soutiennent, que l'argument pris de la certitude de la prescience divine ne touche nullement à la question de la liberté ; parce que la prescience, disent-ils, ne renferme point d'autre certitude, que celle qui se rencontreroit également dans les choses, encore qu'il n'y eût point de prescience. Tout ce qui existe aujourd'hui existe certainement, & il étoit hier & de toute éternité aussi certainement vrai qu'il existeroit aujourd'hui, qu'il est maintenant certain qu'il existe. Cette certitude d'évenement est toujours la même, & la prescience n'y change rien. Elle est par rapport aux choses futures, ce que la connoissance est aux choses présentes, & la mémoire aux choses passées : or, l'une & l'autre de ces connoissances ne suppose aucune nécessité d'exister dans la chose ; mais seulement une certitude d'évenement qui ne laisseroit pas d'être, quand bien même ces connoissances ne seroient pas. Jusqu'ici, tout est intelligible. La difficulté est & sera toujours à expliquer, comment Dieu peut prévoir les choses futures, ce qui ne paroît pas possible, à moins de supposer une chaîne de causes nécessaires ; nous pouvons cependant nous en faire quelque espèce d'idée générale. Un homme d'esprit prévoit le parti que prendra dans telle occasion un homme, dont il connoît le caractere. A plus forte raison Dieu, dont la nature est infiniment plus parfaite, peut-il par la prévision avoir une connoissance beaucoup plus certaine des évenemens libres. J'avoue que tout cela me paroît très hazardé, & que c'est un aveu plutôt qu'une solution de la difficulté. J'avoue, enfin, qu'on fait contre la liberté, d'excellentes objections ; mais on en fait d'aussi bonnes contre l'éxistence de Dieu ; & comme malgré les difficultés extrèmes, contre la création & contre la providence, je crois néanmoins la providence & la création ; aussi je me crois libre, malgré les puissantes objections que l'on fera toujours contre cette malheureuse liberté. Eh ! comment ne la croirois-je pas ? Elle porte tous les caracteres d'une premiere vérité. Jamais opinion n'a été si universelle dans le genre humain. C'est une vérité pour l'éclaircissement de laquelle il n'est pas nécessaire d'approfondir les raisonnemens des livres : c'est ce que la nature crie ; c'est ce que les bergers chantent sur les montagnes, les poëtes sur les théâtres ; c'est ce que les plus habiles docteurs enseignent dans les chaires ; c'est ce qui se répete & se suppose dans toutes les conjonctures de la vie. Le petit nombre de ceux qui, par affectation de singularité, ou par des réfléxions outrées, ont voulu dire ou imaginer le contraire, ne montrent-ils pas eux-mêmes par leur conduite, la fausseté de leurs discours ? Donnez-moi, dit l'illustre Fénelon, un homme qui fait le profond philosophe, & qui nie le libre arbitre : je ne disputerai point contre lui : mais je le mettrai à l'épreuve dans les plus communes occasions de la vie, pour le confondre par lui même. Je suppose que la femme de cet homme lui soit infidelle, que son fils lui désobéit & le méprise ; que son ami le trahit, que son domestique le vole ; je lui dirai, quand il se plaindra d'eux, ne savez-vous pas qu'aucun d'eux n'a tort, & qu'ils ne sont pas libres de faire autrement ? Ils sont, de votre aveu, aussi invinciblement nécessités à vouloir ce qu'ils veulent, qu'une pierre l'est à tomber, quand on ne la soutient pas. N'est-il donc pas certain que ce bisarre philosophe qui ose nier le libre arbitre dans l'école, le supposera comme indubitable dans sa propre maison, & qu'il ne sera pas moins implacable contre ces personnes, que s'il avoit soutenu toute sa vie le dogme de la plus grande liberté ?
Vois de la liberté cet ennemi mutin,
Aveugle partisan d'un aveugle destin.
Entends comme il consulte, approuve ou délibere,
Entends de quel reproche il couvre un adversaire.
Vois comment d'un rival il cherche à se vanger ;
Comme il punit son fils & le veut corriger.
Il le croyoit donc libre ? Oui, sans doute ; & lui-même
Dément à chaque pas son funeste système.
Il mentoit à son c?ur, en voulant expliquer
Le dogme absurde à croire, absurde à pratiquer.
Il reconnoît en lui le sentiment qu'il brave ;
Il agit, comme libre, & parle comme esclave.
M. Voltaire, 2. disc. sur la liberté.
M. Bayle s'est appliqué sur-tout à ruiner l'argument pris du sentiment vif que nous avons de notre liberté. Voici ses raisons : « Disons aussi que le sentiment clair & net que nous avons des actes de notre volonté, ne peut pas faire discerner si nous nous les donnons nous-mêmes, ou si nous les recevons de la même cause qui nous donne l'existence : il faut recourir à la réflexion pour faire ce discernement. Or je mets en fait que par des méditations purement philosophiques on ne peut jamais parvenir à une certitude bien fondée que nous sommes la cause efficiente de nos volitions ; car toute personne qui examinera bien les choses, connoîtra évidemment que si nous n'étions qu'un sujet purement passif à l'égard de la volonté, nous aurions les mêmes sentimens d'expérience que nous avons lorsque nous croyons être libres. Supposez par plaisir que Dieu ait reglé de telle sorte les lois de l'union de l'ame & du corps, que toutes les modalités de l'ame soient liées nécessairement entr'elles avec l'interposition des modalités du cerveau, vous comprendrez qu'il ne vous arrivera que ce que nous éprouvons ; il y aura dans notre ame la même suite de pensées depuis la perception des objets des sens, qui est la premiere démarche, jusqu'aux volitions les plus fixes, qui sont la derniere démarche. Il y aura dans cette suite le sentiment des idées, celui des affirmations, celui des irrésolutions, celui des velléités, & celui des volitions : car soit que l'acte de vouloir nous soit imprimé par une cause extérieure, soit que nous le produisions nous-mêmes, il sera également vrai que nous voulons, & que nous sentons ce que nous voulons ; & comme cette cause extérieure peut mêler autant de plaisir qu'elle veut dans la volition qu'elle imprime, nous pourrions sentir quelquefois que les actes de notre volonté nous plaisent infiniment.... Ne comprenez-vous pas clairement qu'une girouette à qui l'on imprimeroit toujours tout-à-la-fois le mouvement vers un certain point de l'horison, & l'envie de se tourner de ce côté-là, seroit persuadée qu'elle se mouvroit d'elle-même pour exécuter les desirs qu'elle formeroit ? Je suppose qu'elle ne sauroit point qu'il y eût des vents, ni qu'une cause extérieure fît changer tout-à-la-fois & sa situation & ses desirs. Nous voilà naturellement dans cet état, &c ».
Tous ces raisonnemens de M. Bayle sont fort beaux, mais c'est dommage qu'ils ne soient pas persuasifs : ils confondent les nôtres ; & cependant je ne sais comment ils ne font aucune impression sur nous. Hé bien, pourrois-je dire à M. Bayle, vous dites que je ne suis pas libre : votre propre sentiment ne peut vous arracher cet aveu. Selon vous il n'est pas bien décidé qu'il soit au pur choix & au gré de ma volonté de remuer ma main ou de ne pas la remuer : s'il en est ainsi, il est donc déterminé nécessairement que d'ici à un quart-d'heure je leverai trois fois la main de suite, ou que je ne la leverai pas ainsi trois fois. Je ne puis donc rien changer à cette détermination nécessaire ? Cela supposé, en cas que je gage pour un parti plûtôt que pour l'autre, je ne puis gagner que d'un côté. Si c'est sérieusement que vous prétendez que je ne suis pas libre, vous ne pourrez jamais sensément refuser une offre que je vais vous faire : c'est que je gage mille pistoles contre vous une, que je ferai, au sujet du mouvement de ma main, tout le contraire de ce que vous gagerez ; & je vous laisserai prendre à votre gré l'un ou l'autre parti. Est-il offre plus avantageuse ? Pourquoi donc n'accepterez-vous jamais la gageure sans passer pour fou & sans l'être en effet ? Que si vous ne la jugez pas avantageuse, d'où peut venir ce jugement, sinon de celui que vous formez nécessairement & invinciblement que je suis libre ; ensorte qu'il ne tiendroit qu'à moi de vous faire perdre à ce jeu non-seulement mille pistoles la premiere fois que nous les gagerions, mais encore autant de fois que nous recommencerions la gageure.
Aux preuves de raison & de sentiment, nous pouvons joindre celles que nous fournissent la morale & la religion. Otez la liberté, toute la nature humaine est renversée, & il n'y a plus aucune trace d'ordre dans la société. Si les hommes ne sont pas libres dans ce qu'ils font de bien & de mal, le bien n'est plus bien, & le mal n'est plus mal. Si une nécessité inévitable & invincible nous fait vouloir tout ce que nous voulons, notre volonté n'est pas plus responsable de son vouloir qu'un ressort de machine est responsable du mouvement qui lui est imprimé : en ce cas il est ridicule de s'en prendre à la volonté, qui ne veut qu'autant qu'une autre cause distinguée d'elle la fait vouloir. Il faut remonter tout droit à cette cause comme je remonte à la main qui remue le bâton, sans m'arrêter au bâton qui ne me frappe qu'autant que cette main le pousse. Encore une fois, ôtez la liberté, vous ne laissez sur la terre ni vice, ni vertu, ni mérite ; les récompenses sont ridicules & les châtimens sont injustes : chacun ne fait que ce qu'il doit, puisqu'il agit selon la nécessité ; il ne doit ni éviter ce qui est inévitable, ni vaincre ce qui est invincible. Tout est dans l'ordre, car l'ordre est que tout cede à la nécessité. La ruine de la liberté renverse avec elle tout ordre & toute police, confond le vice & la vertu, autorise toute infamie monstrueuse, éteint toute pudeur & tout remords, dégrade & défigure sans ressource tout le genre humain. Une doctrine si énorme ne doit point être examinée dans l'école, mais punie par les magistrats.
Ah, sans la liberté, que seroient donc nos ames !
Mobiles agités par d'invincibles flammes,
Nos v?ux, nos actions, nos plaisirs, nos dégoûts,
De notre être, en un mot, rien ne seroit à nous.
D'un artisan suprème impuissantes machines,
Automates pensans, mûs par des mains divines,
Nous serions à jamais de mensonge occupés,
Vils instrumens d'un Dieu qui nous auroit trompés.
Comment, sans liberté, serions-nous ses images ?
Que lui reviendroit-il de ses brutes ouvrages ?
On ne peut donc lui plaire, on ne peut l'offenser ;
Il n'a rien à punir, rien à récompenser.
Dans les cieux, sur la terre, il n'est plus de justice :
Caton fut sans vertu, Catilina sans vice.
Le destin nous entraîne à nos affreux penchans,
Et ce cahos du monde est fait pour les méchans.
L'oppresseur insolent, l'usurpateur avare,
Cartouche, Mivivis, ou tel autre barbare ;
Plus coupable enfin qu'eux le calomniateur
Dira, je n'ai rien fait, Dieu seul en est l'auteur ;
Ce n'est pas moi, c'est lui qui manque à ma parole,
Qui frappe par mes mains, pille, brûle, viole.
C'est ainsi que le Dieu de justice & de paix.
Seroit l'auteur du trouble, & le dieu des forfaits.
Les tristes partisans de ce dogme effroyable,
Diroient-ils rien de plus s'ils adoroient le diable ?
Le second système sur la liberté est celui dans lequel on soutient que l'ame ne se détermine jamais sans cause & sans une raison prise d'ailleurs que du fond de la volonté : c'est-là sur-tout le système favori de M. Léïbnitz. Selon lui la cause des déterminations n'est point physique, elle est morale, & agit sur l'intelligence même, de maniere qu'un homme ne peut jamais être poussé à agir librement, que par des moyens propres à le persuader. Voilà pourquoi il faut des lois, & que les peines & les récompenses sont nécessaires. L'espérance & la crainte agissent immédiatement sur l'intelligence : cette liberté est opposée à la nécessité physique ou fatale, mais elle ne l'est point à la nécessité morale, laquelle, pourvu qu'elle soit seule, ne s'étend qu'à des choses contingentes, & ne porte pas la moindre atteinte à la liberté. De ce genre est celle qui fait qu'un homme qui a l'usage de sa raison, si on lui offre le choix entre de bons alimens & du poison, se détermine pour les premiers. La liberté dans ce cas est entiere, & cependant le contraire est impossible. Qui peut nier que le sage, lorsqu'il agit librement, ne suive nécessairement le parti que la sagesse lui prescrit ?
La nécessité hypothétique n'est pas moins compatible avec la liberté : tous ceux qui l'on regardée comme destructive de la liberté ont confondu le certain & le nécessaire. La certitude marque simplement qu'un évenement aura lieu, plûtôt que son contraire, parce que les causes dont il dépend se trouvent disposées à produire leur effet ; mais la nécessité emporte la cause même par l'impossibilité absolue du contraire. Or la détermination des futurs contingens, fondement de la nécessité hypothétique, vient simplement de la nature de la vérité : elle ne touche point aux causes ; & ne détruisant point la contingence, elle ne sauroit être contraire à la liberté. Ecoutons M. Léïbnitz. « La nécessité hypothétique est celle que la supposition ou hypothèse de la prévision & préordination de Dieu impose aux futurs contingens ; mais ni cette préscience ni cette préordination ne dérogent point à la liberté : car Dieu, porté par la suprème raison à choisir entre plusieurs suites de choses ou mondes possibles celui où les créatures libres prendroient telles ou telles résolutions, quoique non sans concours, a rendu par-là tout également certain & déterminé une fois pour toutes, sans déroger par-là à la liberté de ces créatures ; ce simple decret du choix ne changeant point, mais actualisant seulement leurs natures libres qu'il voyoit dans ses idées ».
Le troisieme système sur la liberté est celui de ceux qui prétendent que l'homme a une liberté qu'ils appellent d'indifférence, c'est-à-dire que dans les déterminations libres de la volonté, l'ame ne choisit point en conséquence des motifs, mais qu'elle n'est pas plus portée pour le oui que pour le non, & qu'elle choisit uniquement par un effet de son activité, sans qu'il y ait aucune raison de son choix, sinon qu'elle l'a voulu.
Ce qu'il y a de certain, c'est, 1°. qu'il n'y a point en Dieu de liberté d'équilibre ou d'indifférence. Un être tel que Dieu, qui se représente avec le plus grand degré de précision les différences infiniment petites des choses, voit sans doute le bon, le mauvais, le meilleur, & ne sauroit vouloir que conformément à ce qu'il voit ; car autrement ou il agiroit sans raison ou contre la raison, deux suppositions également injurieuses. Dieu suit donc toujours les idées que son entendement infini lui présente comme préférables aux autres ; il choisit entre plusieurs plans possibles le meilleur ; il ne veut & ne fait rien que par des raisons suffisantes fondées sur la nature des êtres & sur ses divins attributs.
2°. Les bienheureux dans le ciel n'ont pas non plus cette liberté d'équilibre : aucun bien ne peut balancer Dieu dans leur c?ur. Il ravit d'abord tout l'amour de la volonté, & fait disparoître tout autre bien comme le grand jour fait disparoître les ombres de la nuit.
La question est donc de savoir si l'homme est libre de cette liberté d'indifférence ou d'équilibre. Voici les raisons de ceux qui soutiennent la négative.
1°. La chose paroît impossible. Il est question de choisir entre A & B ; vous dites que, toutes choses mises à part, vous pouvez choisir l'un ou l'autre. Vous choisissez A, pourquoi ? parce que je le veux, dites-vous ; mais pourquoi voulez-vous A plûtôt que B ? vous répliquez, parce que je le veux : Dieu m'a donné cette faculté. Mais que signifie je veux vouloir, ou je veux parce que je veux ? Ces paroles n'ont d'autre sens que celui, je veux A ; mais vous n'avez pas encore satisfait à ma question : pourquoi ne voulez-vous point B ? est-ce sans raison que vous le rejettez ? Si vous dites A me plaît parce qu'il me plaît, ou cela ne signifie rien, ou doit être entendu ainsi, A me plaît à cause de quelque raison qui me le fait paroître préférable à B : sans cela le néant produiroit un effet, conséquence que sont obligés de digérer les défenseurs de la liberté d'équilibre.
2°. Cette liberté est opposée au principe de la raison suffisante : car si nous choisissons entre deux ou plusieurs objets, sans qu'il y ait une raison qui nous porte vers l'un plûtôt que vers l'autre, voilà une détermination qui arrive sans aucune cause. Les défenseurs de l'indifférence répondent que cette détermination n'arrive pas sans cause, puisque l'ame elle-même, entant que principe actif, est la cause efficiente de toutes ses actions. Cela est vrai, mais la détermination de cette action, la préférence qui lui est donnée sur le parti opposé, d'où lui vient-elle ? « Vouloir, dit M. Léïbnitz, qu'une détermination vienne d'une pleine indifférence absolument indéterminée, c'est vouloir qu'elle vienne naturellement de rien. L'on suppose que Dieu ne donne pas cette détermination : elle n'a point de source dans l'ame, ni dans le corps, ni dans les circonstances, puisque tout est supposé indéterminé ; & la voilà pourtant qui paroît & qui existe sans préparation, sans que Dieu même puisse voir ou faire voir comment elle existe ». Un effet ne peut avoir lieu sans qu'il y ait dans la cause qui le doit produire une disposition à agir de la maniere qu'il le faut pour produire cet effet. Or un choix, un acte de la volonté est un effet dont l'ame est la cause. Il faut donc, pour que nous fassions un tel choix, que l'ame soit disposée à le faire plûtôt qu'un autre : d'où il résulte qu'elle n'est pas indéterminée & indifférente.
3°. La doctrine de la parfaite indifférence détruit toute idée de sagesse & de vertu. Si je choisis un parti, non parce que je le trouve conforme aux lois de la sagesse, mais sans aucune raison vraie ou fausse, bonne ou mauvaise, & uniquement par une impétuosité aveugle qui se détermine au hasard, quelle louange pourrai-je mériter s'il arrive que j'aie bien choisi, puisque je n'ai point pris le parti parce qu'il étoit le meilleur, & que j'aurois pû faire le contraire avec la même facilité ? Comment supposer en moi de la sagesse, si je ne me détermine pas par des raisons ? La conduite d'un être doué d'une pareille liberté, seroit parfaitement semblable à celle d'un homme qui décideroit toutes ses actions par un coup de dez ou en tirant à la courte paille : ce seroit en vain que l'on feroit des recherches sur les motifs par lesquels les hommes agissent : ce seroit en vain qu'on leur proposeroit des lois, des peines & des récompenses, si tout cela n'opere pas sur leur volonté indifférente à tout.
4°. La liberté d'indifférence est incompatible avec la nature d'un être intelligent qui, dès-là qu'il se sent & se connoît, aime essentiellement son bonheur, & par conséquent aime aussi tout ce qu'il croit pouvoir y contribuer. Il est ridicule de dire que ces objets sont indifférens à un tel être, & que, lorsqu'il connoît clairement que de deux partis l'un lui est avantageux & l'autre lui est nuisible, il puisse choisir aussi aisément l'un que l'autre. Déjà il ne peut pas approuver l'un comme l'autre ; ordonner son approbation en dernier ressort, c'est la même chose que se déterminer : voilà donc la détermination qui vient des raisons ou des motifs. De plus, on conçoit dans la volonté l'effort d'agir qui en fait même l'essence, & qui la distingue du simple jugement. Or un esprit n'étant point susceptible d'une impulsion méchanique, qui est-ce qui pourroit l'inciter à agir, si ce n'est l'amour qu'il a pour lui-même & pour son propre bonheur ? C'est-là le grand mobile de tous les esprits ; jamais ils n'agissent que quand ils desirent d'agir : or qu'est-ce qui rend ce desir efficace, sinon le plaisir qu'on trouve à le satisfaire ? Et d'où peut naître ce desir, si ce n'est de la réprésentation de la perception de l'objet ? Un être intelligent ne peut donc être porté à agir que par quelque motif, quelque raison prise d'un bien réel ou apparent qu'il se promet de son action.
Tous ces raisonnemens, quelque spécieux qu'ils paroissent, n'ont rien d'assez solide à quoi ne répondent les défenseurs de la liberté d'indifférence. M. Keing, archevêque de Dublin, l'a soutenue en Dieu même, dans son livre sur l'origine du mal ; mais en disant que rien n'est bon ni mauvais en Dieu par rapport aux créatures avant son choix, il enseigne une doctrine qui va à rendre la justice arbitraire, & à confondre la nature du juste & de l'injuste. M. Crouzas plaide en sa faveur dans la plûpart de ses ouvrages. Mais il y a des philosophes qui s'y sont pris autrement pour soutenir l'indifférence : d'abord ils avouent qu'une pareille liberté ne sauroit convenir à Dieu ; mais, continuent-ils, il faut raisonner tout autrement à l'égard des intelligences bornées & subalternes. Renfermées dans une certaine sphere d'activité plus ou moins grande, leurs idées n'atteignent que jusqu'à un certain degré dans la connoissance des objets ; & en conséquence il doit leur arriver de prendre pour égales des choses qui ne le sont point du tout. Les apparences font ici le même effet que la réalité ; & l'on ne disconviendra pas, que lorsqu'il s'agit de juger, de se déterminer, d'agir, il importe peu que les choses soient égales ou inégales, pourvu que les impressions qu'elles font sur nous soient les mêmes. On prévoit bien que les antagonistes de l'indifférence se hâteront de nier que des impressions égales puissent résulter d'objets inégaux. Mais cette supposition n'a pourtant rien qui ne suive nécessairement de la limitation qui fait le caractere essentiel de la créature. Dès-là que notre intelligence est bornée, ce qui différencie les objets doit nous échapper infailliblement, lorsqu'il est de nature à ne pouvoir être apperçu que par une vue extrèmement fixe & délicate. Et de-là, que suit-il ? sinon, que dans plusieurs occasions l'ame doit se trouver dans un état de doute & de suspension, sans savoir précisément à quel parti se déterminer. C'est aussi ce que justifie une expérience fréquente.
Ces principes posés, il en résulte que la liberté d'équilibre est moins une prérogative dont nous devions nous glorifier, qu'une imperfection dans notre nature & nos connoissances, qui croît ou décroît en raison réciproque de nos lumieres. Dieu prévoyant que notre ame, par une suite de son imperfection, seroit souvent irrésolue & comme suspendue entre deux partis, lui a donné le pouvoir de sortir de cette suspension, par une détermination dont le principe fût elle-même. Ce n'est point supposer que le rien produise quelque chose. Est-ce en effet alléguer un rien, quand on donne la volonté pour cause de nos actions en certains cas ? Que deviendroit cette activité qui est le propre des intelligences, si l'ame dans l'occasion ne pouvoit agir par elle-même, & sans être mise en action par une puissance étrangere ?
Il y a d'ailleurs mille cas dans la vie où le parfait équilibre a lieu ; par exemple, quand il s'agit de choisir entre deux louis-d'or qu'on me présente. Si l'on s'avise de me soutenir sérieusement que je suis nécessité, & qu'il y a une raison en faveur de celui que j'ai pris ; pour réponse je me mets à rire, tant je suis intimement persuadé qu'il est en mon pouvoir de prendre un des deux louis-d'or, plutôt que l'autre, & qu'il n'y a point pour ce choix de raison prévalente, puisque ces deux louis-d'or sont entierement semblables, ou qu'ils me paroissent tels.
De tout ce que nous avons dit sur la liberté, on en peut conclure que son essence consiste dans l'intelligence qui enveloppe une connoissance distincte de l'objet de la délibération. Dans la spontanéïté avec laquelle nous nous déterminons, & dans la contingence, c'est-à-dire dans l'exclusion de la nécessité logique ou métaphysique, l'intelligence est comme l'ame de la liberté, & le reste en est comme le corps & la base. La substance libre se détermine par elle-même, & cela suivant le motif du bien apperçu par l'entendement qui l'incline sans la nécessiter. Si à ces trois conditions, vous ajoutez l'indifférence d'équilibre, vous aurez une définition de la liberté, telle qu'elle se trouve dans les hommes pendant cette vie mortelle, & telle qu'elle a été définie nécessaire par l'Eglise pour mériter & démériter dans l'état de la nature corrompue. Cette liberté n'exclut pas seulement la contrainte (jamais elle ne fut admise par les fatalistes mêmes) ni la nécessité physique, absolue, fatale (ni les calvinistes, ni les jansénistes ne l'ont jamais reconnue) mais encore la nécessité morale, soit qu'elle soit absolue, soit qu'elle soit relative. La liberté catholique est dégagée de toute nécessité, suivant cette définition : ad merendum & demerendum in statu naturæ lapsæ, non requiritur in homine libertas à necessitate, sed sufficit libertas à coactione. Cette proposition ayant été condamnée comme hérétique, & cela dans le sens de Jansenius ; on ne souscrit à la décision de l'Eglise qu'autant qu'on reconnoît une liberté exempte de cette nécessité à laquelle Jansenius l'asservissoit. Or cette nécessité n'est que morale ; donc pour être catholique, il faut admettre une liberté libre de la nécessité morale, & par conséquent une liberté d'indifférence ou d'équilibre. Ce qu'il ne faut pas entendre en ce sens, que la volonté ne panche jamais plus d'un côté que de l'autre, cet équilibre est ridicule & démenti par l'expérience ; mais plutôt en ce sens que la volonté domine ses penchans. Elle ne les domine pourtant pas tellement que nous soyons toûjours les maîtres de nos volitions directement. Le pouvoir de l'ame sur ses inclinations est souvent une puissance qui ne peut être exercée que d'une maniere indirecte ; à peu-près comme Bellarmin vouloit que les papes eussent droit sur le temporel des rois. A la vérité, les actions externes qui ne surpassent point nos forces, dépendent absolument de notre volonté ; mais nos volitions ne dépendent de la volonté que par certains détours adroits, qui nous donnent moyen de suspendre nos résolutions ou de les changer. Nous sommes les maîtres chez nous, non pas comme Dieu l'est dans le monde, mais comme un prince sage l'est dans ses états, ou comme un bon pere de famille l'est dans son domestique.
Liberté naturelle, (Droit naturel.) droit que la nature donne à tous les hommes de disposer de leurs personnes & de leurs biens, de la maniere qu'ils jugent la plus convenable à leur bonheur, sous la restriction qu'ils le fassent dans les termes de la loi naturelle, & qu'ils n'en abusent pas au préjudice des autres hommes. Les lois naturelles sont donc la regle & la mesure de cette liberté ; car quoique les hommes dans l'état primitif de nature, soient dans l'indépendance les uns à l'égard des autres, ils sont tous sous la dépendance des lois naturelles, d'après lesquelles ils doivent diriger leurs actions.
Le premier état que l'homme acquiert par la nature, & qu'on estime le plus précieux de tous les biens qu'il puisse posséder, est l'état de liberté ; il ne peut ni se changer contre un autre, ni se vendre, ni se perdre ; car naturellement tous les hommes naissent libres, c'est-à-dire, qu'ils ne sont pas soumis à la puissance d'un maître, & que personne n'a sur eux un droit de propriété.
En vertu de cet état, tous les hommes tiennent de la nature même, le pouvoir de faire ce que bon leur semble, & de disposer à leur gré de leurs actions & de leurs biens, pourvu qu'ils n'agissent pas contre les lois du gouvernement auquel ils se sont soumis.
Chez les Romains un homme perdoit sa liberté naturelle, lorsqu'il étoit pris par l'ennemi dans une guerre ouverte, ou que pour le punir de quelque crime, on le réduisoit à la condition d'esclave. Mais les Chrétiens ont aboli la servitude en paix & en guerre, jusques-là, que les prisonniers qu'ils font à la guerre sur les infideles, sont censés des hommes libres ; de maniere que celui qui tueroit un de ces prisonniers, seroit regardé & puni comme homicide.
De plus, toutes les puissances chrétiennes ont jugé qu'une servitude qui donneroit au maître un droit de vie & de mort sur ses esclaves, étoit incompatible avec la perfection à laquelle la religion chrétienne appelle les hommes. Mais comment les puissances chrétiennes n'ont-elles pas jugé que cette même religion, indépendamment du droit naturel, reclamoit contre l'esclavage des negres ? c'est qu'elles en ont besoin pour leurs colonies, leurs plantations, & leurs mines. Auri sacra fames !
Liberté civile, (Droit des nations.) c'est la liberté naturelle dépouillée de cette partie qui faisoit l'indépendance des particuliers & la communauté des biens, pour vivre sous des lois qui leur procurent la sûreté & la propriété. Cette liberté civile consiste en même tems à ne pouvoir être forcé de faire une chose que la loi n'ordonne pas, & l'on ne se trouve dans cet état, que parce qu'on est gouverné par des lois civiles ; ainsi plus ces lois sont bonnes, plus la liberté est heureuse.
Il n'y a point de mots, comme le dit M. de Montesquieu, qui ait frappé les esprits de tant de manieres différentes, que celui de liberté. Les uns l'ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avoient donné un pouvoir tyrannique ; les autres pour la facilité d'élire celui à qui ils devoient obéir ; tels ont pris ce mot pour le droit d'être armé, & de pouvoir exercer la violence ; & tels autres pour le privilege de n'être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois. Plusieurs ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, & en ont exclu les autres. Ceux qui avoient goûté du gouvernement républicain, l'ont mise dans ce gouvernement, tandis que ceux qui avoient joui du gouvernement monarchique, l'ont placé dans la monarchie. Enfin, chacun a appellé liberté, le gouvernement qui étoit conforme à ses coutumes & à ses inclinations : mais la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; & si un citoyen pouvoit faire ce qu'elles défendent, il n'auroit plus de liberté, parce que les autres auroient tous de même ce pouvoir. Il est vrai que cette liberté ne se trouve que dans les gouvernemens modérés, c'est-à-dire dans les gouvernemens dont la constitution est telle, que personne n'est contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l'oblige pas, & à ne point faire celles que la loi lui permet.
La liberté civile est donc fondée sur les meilleures lois possibles ; & dans un état qui les auroit en partage, un homme à qui on feroit son procès selon les lois, & qui devroit être pendu le lendemain, seroit plus libre qu'un bacha ne l'est en Turquie. Par conséquent, il n'y a point de liberté dans les états où la puissance législative & la puissance exécutrice sont dans la même main. Il n'y en a point à plus forte raison dans ceux où la puissance de juger est réunie à la législatrice & à l'exécutrice.
Liberté politique, (Droit politique.) la liberté politique d'un état est formée par des lois fondamentales qui y établissent la distribution de la puissance législative, de la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, & de la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil, de maniere que ces trois pouvoirs sont liés les uns par les autres.
La liberté politique du citoyen, est cette tranquillité d'esprit qui procede de l'opinion que chacun a de sa sûreté ; & pour qu'on ait cette sûreté, il faut que le gouvernement soit tel, qu'un citoyen ne puisse pas craindre un citoyen. De bonnes lois civiles & politiques assurent cette liberté ; elle triomphe encore, lorsque les lois criminelles tirent chaque peine de la nature particuliere du crime.
Il y a dans le monde une nation qui a pour objet direct de sa constitution la liberté politique ; & si les principes sur lesquels elle la fonde sont solides, il faut en reconnoître les avantages. C'est à ce sujet, que je me souviens d'avoir oui dire à un beau génie d'Angleterre, que Corneille avoit mieux peint la hauteur des sentimens qu'inspire la liberté politique, qu'aucun de leurs poëtes, dans ce discours que tient Viriate à Sertorius.
Affranchissons le Tage, & laissons faire au Tibre :
La liberté n'est rien quand tout le monde est libre.
Mais il est beau de l'être, & voir tout l'univers
Soupirer sous le joug, & gémir dans les fers.
Il est beau d'étaler cette prérogative
Aux yeux du Rhône esclave, & de Rome captive,
Et de voir envier aux peuples abattus,
Ce respect que le fort garde pour les vertus.
Je ne prétends point décider que les Anglois jouissent actuellement de la prérogative dont je parle ; il me suffit de dire avec M. de Montesquieu, qu'elle est établie par leurs lois ; & qu'après tout, cette liberté politique extrème ne doit point mortifier ceux qui n'en ont qu'une modérée, parce que l'excès même de la raison n'est pas toûjours desirable, & que les hommes en général s'accommodent presque toûjours mieux des milieux que des extrémités. (D. J.)
Liberté de penser, (Morale.) Ces termes, liberté de penser, ont deux sens ; l'un général, l'autre borné. Dans le premier ils signifient cette généreuse force d'esprit qui lie notre persuasion uniquement à la vérité. Dans le second, ils expriment le seul effet qu'on peut attendre, selon les esprits forts, d'un examen libre & exact, je veux dire, l'inconviction. Autant que l'un est louable & mérite d'être applaudi, autant l'autre est blamable, & mérite d'être combattu. La véritable liberté de penser tient l'esprit en garde contre les préjugés & la précipitation. Guidée par cette sage Minerve, elle ne donne aux dogmes qu'on lui propose, qu'un degré d'adhésion proportionné à leur degré de certitude. Elle croit fermement ceux qui sont évidens ; elle range ceux qui ne le sont pas parmi les probabilités ; il en est sur lesquels elle tient sa croyance en équilibre ; mais si le merveilleux s'y joint, elle en devient moins crédule ; elle commence à douter, & se méfie des charmes de l'illusion. En un mot elle ne se rend au merveilleux qu'après s'être bien prémunie contre le penchant trop rapide qui nous y entraîne. Elle ramasse sur-tout toutes ses forces contre les préjugés que l'éducation de notre enfance nous fait prendre sur la religion, parce que ce sont ceux dont nous nous défaisons le plus difficilement ; il en reste toujours quelque trace, souvent même après nous en être éloignés ; lassés d'être livrés à nous-mêmes, un ascendant plus fort que nous, nous tourmente & nous y fait revenir. Nous changeons de mode, de langage ; il est mille choses sur lesquelles insensiblement nous nous accoutumons à penser autrement que dans l'enfance ; notre raison se porte volontiers à prendre ces nouvelles formes ; mais les idées qu'elle s'est faites sur la religion, sont d'une espece respectable pour elle ; rarement ose-t-elle les examiner ; & l'impression que ces préjugés ont faite sur l'homme encore enfant, ne périt communément qu'avec lui. On ne doit pas s'en étonner ; l'importance de la matiere jointe à l'exemple de nos parens que nous voyons en être réellement persuadés, sont des raisons plus que suffisantes pour les graver dans notre c?ur, de maniere qu'il soit difficile de les en effacer. Les premiers traits que leurs mains impriment dans nos ames, en laissent toujours des impressions profondes & durables ; telle est notre superstition, que nous croyons honorer Dieu par les entraves où nous mettons notre raison ; nous craignons de nous démasquer à nous-mêmes, & de nous surprendre dans l'erreur, comme si la vérité avoit à redouter de paroître au grand jour.
Je suis bien éloigné d'en conclure qu'il faille pour cela décider au tribunal de la fiere raison, les questions qui ne sont que du ressort de la foi. Dieu n'a point abandonné à nos discussions des mysteres qui, soumis à la spéculation, paroîtroient des absurdités. Dans l'ordre de la révélation, il a posé des barrieres insurmontables à tous nos efforts ; il a marqué un point où l'évidence cesse de luire pour nous ; & ce point est le terme de la raison ; mais là où elle finit, ici commence la foi, qui a droit d'exiger de l'esprit un parfait assentiment sur des choses qu'il ne comprend pas ; mais cette soumission de l'aveugle raison à la foi, n'ébranle pas pour cela ses fondemens, & ne renverse pas les limites de la connoissance. Eh quoi ? Si elle n'avoit pas lieu en matiere de religion, cette raison que quelques-uns décrient si fort, nous n'aurions aucun droit de tourner en ridicule les opinions avec les cérémonies extravagantes qu'on remarque dans toutes les religions, excepté la véritable. Qui ne voit que c'est-là ouvrir un vaste champ au fanatisme le plus outré, & aux superstitions les plus insensées ? Avec de pareils principes, il n'y a rien qu'on ne croie, & les opinions les plus monstrueuses, la honte de l'humanité, sont adoptées. La religion qui en est l'honneur, & qui nous distingue le plus des brutes, n'est-elle pas souvent la chose en quoi les hommes paroissent les moins raisonnables ? Nous sommes faits d'une étrange maniere ; nous ne saurions nous tenir dans un juste milieu. Si l'on n'est superstitieux, on est impie. Il semble qu'on ne puisse être docile par raison, & fidele en philosophe. Je laisse ici à décider laquelle des deux est la plus déraisonnable & la plus injurieuse à la religion, ou de la superstition ou de l'impiété. Quoi qu'il en soit, les bornes posées entre l'une & l'autre, ont eu moins à souffrir de la hardiesse de l'esprit, que de la corruption du c?ur. La superstition est devenue impie, & l'impiété elle-même est devenue superstitieuse ; oui, dans toutes les religions de la terre, la liberté de penser qui insulte aux bons croyans, comme à des ames foibles, à des esprits superstitieux, à des génies serviles, est quelquefois plus crédule & plus superstitieuse qu'on ne le pense. Quel usage de raison puis-je appercevoir dans des hommes qui croient par autorité qu'il ne faut pas croire à l'autorité ? Quels sont la plûpart de ces enfans qui se glorifient de n'avoir point de religion ? A les entendre parler, ils sont les seuls sages, les seuls philosophes dignes de ce nom ; ils possedent eux seuls l'art d'examiner la vérité ; ils sont seuls capables de tenir leur raison dans un équilibre parfait, qui ne sauroit être détruit que par le poids des preuves. Tous les autres hommes, esprits paresseux, c?urs servils & lâches, rampent sous le joug de l'autorité, & se laissent entraîner sans résistence, par les opinions reçues. Mais combien n'en voyons-nous pas dans leur société qui se laissent subjuguer par un enfant plus habile. Qu'il se trouve parmi eux un de ces génies heureux, dont l'esprit vif & original soit capable de donner le ton ; que cet esprit d'ailleurs éclairé se précipite dans l'inconviction, parce qu'il aura été la dupe d'un c?ur corrompu : son imagination forte, vigoureuse, & dominante, exercera sur leurs sentimens un pouvoir d'autant plus despotique, qu'un secret penchant à la liberté prêtera à ses raisons victorieuses une force nouvelle. Elle fera passer son enthousiasme dans les jeunes imaginations, les fléchira, les pliera à son gré, les subjuguera, les renversera.
Le traité de la liberté de penser, de Collins, passé parmi les inconvaincus, pour le chef-d'?uvre de la raison humaine ; & les jeunes inconvaincus se cachent derriere ce redoutable volume, comme si c'étoit l'égide de Minerve. On y abuse de ce que présente de bon ce mot, liberté de penser, pour la réduire à l'irreligion ; comme si toute recherche libre de la vérité, devoit nécessairement y aboutir. C'est supposer ce qu'il s'agissoit de prouver, savoir si s'éloigner des opinions généralement reçues, est un caractere distinctif d'une raison asservie à la seule évidence. La paresse & le respect aveugle pour l'autorité, ne sont pas les seules entraves de l'esprit humain. La corruption du c?ur, la vaine gloire, l'ambition de s'ériger en chef de parti, n'exercent que trop souvent un pouvoir tyrannique sur notre ame, qu'elles détournent avec violence de l'amour pur de la vérité.
Il est vrai que les inconvaincus en imposent & doivent en imposer par la liste des grands hommes, parmi les anciens, qui selon eux se sont distingués par la liberté de penser, Socrate, Platon, Epicure, Ciceron, Virgile, Horace, Pétrone, Corneille Tacite. Quels noms pour celui qui porte quelque respect aux talens & à la vertu ! mais cette logique est-elle bien assortie avec le dessein de nous porter à penser librement ! Pour montrer que ces illustres anciens ont pensé librement, citer quelques passages de leurs écrits, où ils s'élevent au-dessus des opinions vulgaires, des dieux de leur pays, n'est-ce pas supposer que la liberté de penser est l'apanage des incrédules, & par conséquent supposer ce qu'il s'agissoit de prouver. Nous ne dirons pas que pour se persuader que ces grands hommes de l'antiquité ont été entierement libres dans leurs recherches, il faudroit avoir pénétré les secrets mouvemens de leur c?ur, dont il est impossible que leurs ouvrages nous donnent une connoissance suffisante ; que si les incrédules sont capables de cette force incompréhensible de pénétration, ils sont fort habiles ; mais que s'ils ne le sont pas, il est constant que par un sophisme très grossier qui suppose évidemment ce qui est en question, ils veulent nous engager à respecter comme d'excellens modeles, des sages prétendus, dont l'intérieur leur est inconnu, comme au reste des hommes. Cette maniere de raisonner feroit le procès à tous les honnêtes gens qui ont écrit pour ou contre quelque systême que ce soit, & accuseroit d'hypocrisie à Paris, à Rome, à Constantinople, dans tous les lieux de la terre, & dans tous les tems, ceux qui ont fait & qui font honneur aux nations. Mais ce qui nous fâche, c'est qu'un auteur ne se contente pas de nous donner pour modeles de la liberté de penser, quelques-uns des plus fameux sages du Paganisme ; mais qu'il étale encore à nos yeux des écrivains inspirés, & qu'il s'imagine prouver qu'ils ont pensé librement, parce qu'ils ont rejetté la religion dominante. Les prophetes, dit-il, se sont déchaînés contre les sacrifices du peuple d'Israel ; donc les prophetes ont été des patrons de la liberté de penser. Seroit-il possible que celui qui se mêle d'écrire, fût d'une infidélité ou d'une ignorance assez distinguée pour croire tout de bon que ces saints hommes eussent voulu détourner le peuple d'Israel du culte lévitique ? N'est-il pas beaucoup plus raisonnable d'interpréter leurs sentimens par leur conduite, & d'expliquer l'irrégularité de quelques expressions, ou par la véhémence du langage oriental qui ne s'asservit pas toujours à l'exactitude des idées, ou par un violent mouvement de l'indignation qu'inspiroit à des hommes saints l'abus que les peuples corrompus faisoient des préceptes d'une saine religion ? N'y a-t-il aucune difference entre l'homme inspiré par son Dieu, & l'homme qui examine, discute, raisonne, réfléchit tranquillement & de sang froid ?
On ne peut nier qu'il n'y ait eu & qu'il n'y ait parmi les inconvaincus des hommes du premier mérite ; que leurs ouvrages ne montrent en cent endroits de l'esprit, du jugement, des connoissances ; qu'ils n'aient même servi la religion, en en décriant les véritables abus ; qu'ils n'aient forcé nos théologiens à devenir plus instruits & plus circonspects ; & qu'il n'aient infiniment contribué à établir entre les hommes l'esprit sacré de paix & de tolérance : mais il faut aussi convenir qu'il y en a plusieurs dont on peut demander avec Swift, « qui auroit soupçonné leur existence, si la religion, ce sujet inépuisable, ne les avoit pourvus abondamment d'esprit & de syllogismes ? Quel autre sujet renfermé dans les bornes de la nature & de l'art, auroit été capable de leur procurer le nom d'auteurs profonds, & de les faire lire ? Si cent plumes de cette force avoient été emploiées pour la défense du Christianisme, elles auroient été d'abord livrées à un oubli éternel. Qui jamais se seroit avisé de lire leurs ouvrages, si leurs défauts n'en avoient été comme cachés & ensevelis sous une forte teinture d'irreligion ». L'impiété est d'une grande ressource pour bien des gens. Ils trouvent en elle les talens que la nature leur refuse. La singularité des sentimens qu'ils affectent, marque moins en eux un esprit supérieur, qu'un violent desir de le paroître. Leur vanité trouvera-t-elle son compte à être simples approbateurs des opinions les mieux démontrées ? Se contenteront-ils de l'honneur subalterne d'en appuyer les preuves, ou de les affermir par quelques raisons nouvelles ? Non ; les premieres places sont prises, les secondes ne sauroient satisfaire leur ambition. Semblables à César, ils aiment mieux être les premiers dans un bourg, que les secondes personnes à Rome ; ils briguent l'honneur d'être chefs de parti, en ressuscitant de vieilles erreurs, ou en cherchant des chicanes nouvelles dans une imagination que l'orgueil rend vive & féconde. Voyez l'art. Intolérance & Jesus-Christ. (G)
Libertés de l'Eglise Gallicane, (Jurisp.) Elles consistent dans l'observation d'un grand nombre de points de l'ancien Droit commun & canonique concernant la discipline ecclésiastique que l'Eglise de France a conservée dans toute sa pureté, sans souffrir que l'on admît aucune des nouveautés qui se sont introduites à cet égard dans plusieurs autres églises.
L'auteur anonyme d'un traité des libertés de l'Eglise gallicane, dont il est parlé dans les ?uvres de Bayle, tome I. p. 320. édit. de 1737, se trompe, lorsqu'il suppose que l'on n'a commencé à parler de nos libertés que sous le regne de Charles VI.
M. de Marca en son traité des libertés de l'Eglise gallicane, soutient que les libertés furent reclamées dès l'an 461 au premier concile de Tours, & en 794, au concile de Francfort.
Mais la premiere fois que l'on ait qualifié de libertés, le droit & la possession qu'a l'Eglise de France de se maintenir dans ses anciens usages, fut du tems de saint Louis, sous la minorité duquel, au mois d'Avril 1228, on publia en son nom une ordonnance adressée à tous ses sujets dans les diocèses de Narbonne, Cahors, Rhodès, Agen, Arles & Nîmes, dont le premier article porte, que les églises du Languedoc jouiront des libertés & immunités de l'Eglise gallicane : libertatibus & immunitatibus utantur quibus utitur Ecclesia gallicana.
Les canonistes ultramontains prétendent que l'on ne pourroit autoriser nos libertés, qu'en les regardant comme des privileges & des concessions particulieres des papes, qui auroient bien voulu mettre des bornes à leur puissance, en faveur de l'Eglise gallicane : & comme on ne trouve nulle part un tel privilege accordé à cette église, ces canonistes concluent de là que nos libertés ne sont que des chimeres.
D'autres par un excès de zele pour la France, font consister nos libertés dans une indépendance entiere du saint siege, ne laissant au pape qu'un vain titre de l'Eglise, sans aucune jurisdiction.
Mais les uns & les autres s'abusent également ; nos libertés, suivant les plus illustres prélats de l'Eglise de France, les docteurs les plus célebres, & les canonistes les plus habiles, ne consistant, comme on l'a déja dit, que dans l'observation de plusieurs anciens canons.
Ces libertés ont cependant quelquefois été appellées privileges & immunités, soit par humilité ou par respect pour le saint siege, ou lorsqu'on n'a pas bien pesé la force des termes ; car il est certain que le terme de privilege est impropre, pour exprimer ce que l'on entend par nos libertés, les privileges étant des exceptions & des graces particulieres accordées contre le droit commun, au lieu que nos libertés ne consistent que dans l'observation rigoureuse de certains points de l'ancien droit commun & canonique.
En parlant de nos libertés, on les qualifie quelquefois de saintes, soit pour exprimer le respect que l'on a pour elles, & combien elles sont précieuses à l'Eglise de France, soit pour dire qu'il n'est pas permis de les enfraindre sans encourir les peines portées par les lois : sanctæ quasi legibus sancitæ.
L'Eglise de France n'est pas la seule qui ait ses libertés ; il n'y en a guere qui n'ait retenu quelques restes de l'ancienne discipline ; mais dans toute l'église latine, il n'y a point de nation qui ait conservé autant de libertés que la France, & qui les ait soutenues avec plus de fermeté.
Nous n'avons point de lois particulieres qui fixent précisément les libertés de l'Eglise gallicane.
Lorsque quelqu'un a voulu opposer que nous n'avons point de concessions de nos libertés, on a quelquefois répondu par plaisanterie, que le titre est au dos de la donation de Constantin au pape Sylvestre, pour dire que l'on seroit bien embarrassé de part & d'autre de rapporter des titres en fait de droits aussi anciens ; mais nous ne manquons point de titres plus réels pour établir nos libertés, puisque les anciens usages de l'Eglise de France qui forment ses libertés, sont fondés sur l'ancien Droit canonique ; & à ce propos il faut observer que sous la premiere race de nos rois, on observoit en France le code des canons de l'Eglise universelle, composé des deux premiers conciles généraux, de cinq conciles particuliers de l'Eglise grecque, & de quelques conciles tenus dans les Gaules. Ce code ayant été perdu depuis le viij. siecle, le pape Adrien donna à Charlemagne le code des canons de l'Eglise romaine, compilé par Denis le Petit en 527. Ce compilateur avoit ajoûté au code de l'Eglise universelle 50 canons des apôtres, 27 du concile de Chalcédoine, ceux des conciles de Sardique & de Carthage, & les décrétales des papes, depuis Sirice jusqu'à Anastase.
Tel étoit l'ancien Droit canonique observé en France avec quelques capitulaires de Charlemagne. On regardoit comme une entreprise sur nos libertés tout ce qui y étoit contraire ; & l'on y a encore recours lorsque la cour de Rome veut attenter sur les usages de l'Eglise de France, conformes à cet ancien droit.
Les papes ont eux-mêmes reconnu en diverses occasions la justice qu'il y a de conserver à chaque église ses libertés, & singulierement celle de l'Eglise gallicane : cap. licet extra de frigidis & cap. in genesi extra de electione.
Nos rois ont de leur part publié plusieurs ordonnances, édits & déclarations, pour maintenir ces précieuses libertés. Les plus remarquables de ces lois, sont la pragmatique de saint Louis en 1268 ; la pragmatique faite sous Charles VII. en 1437 ; le concordat fait en 1516 ; l'édit de 1535, contre les petites dates ; l'édit de Moulins en 1580, & plusieurs autres plus récens,
Le parlement a toujours été très-soigneux de maintenir ces mêmes libertés, tant par les différens arrêts qu'il a rendus dans les occasions qui se sont présentées, que par les remontrances qu'il a faites à ce sujet à nos rois, entr'autres celles qu'il fit au roi Louis XI. en 1461, qui font une des principales pieces qui ont été recueillies dans le traité des libertés de l'Eglise gallicane, par pierre Pithou.
Quoique le détail de nos libertés soit presqu'infini, parce qu'elles s'étendent sur-tout notre Droit canonique ; elles se rapportent néanmoins à deux maximes fondamentales.
La premiere, que le pape & les autres supérieurs ecclésiastiques n'ont aucun pouvoir direct ni indirect sur le temporel de nos rois, ni sur la jurisdiction séculiere.
La seconde, que la puissance du pape, par rapport au spirituel, n'est point absolue sur la France, mais qu'elle est bornée par les canons & par les coutumes qui sont observés dans le royaume ; de sorte que ce que le pape pourroit ordonner au préjudice de ces regles, est nul.
C'est de ces deux maximes que dérivent toutes les autres que Pierre Pithou a recueillies dans son traité des libertés de l'Eglise gallicane, qu'il dédia au roi, & qui fut imprimé pour la premiere fois en 1609. avec privilege.
On y joignit plusieurs autres pieces aussi fort importantes concernant les libertés de l'Eglise gallicane, telles que les rémontrances faites au roi Louis, & plusieurs mémoires & traités de Jacques Cappel, Jean du Tillet, du sieur Dumesnil, de Claude Fauchet, de Hotman, Coquille, &c. l'auteur étoit déja décédé.
Mais le traité de Pithou sur les libertés de l'Eglise, est un des plus fameux de ce recueil. Quoique cet opuscule ne contienne que huit ou dix pages d'impression, il a acquis parmi nous une telle autorité, qu'on a distingué les à linea qui sont au nombre de 83, comme autant d'articles & de maximes ; & on les cite avec la même vénération que si c'étoient autant de lois.
Ce recueil a depuis été réimprimé plusieurs fois avec des augmentations de diverses pieces, qui ont aussi pour objet nos libertés.
M. Pierre Dupuy publia en 1639, en 2 vol. in-4°. un commentaire sur le traité des libertés de l'Eglise gallicane de Pithou : la derniere édition qui est de 1731 augmentée par l'abbé Lenglet du Fresnoy, compose 4 volumes in-fol. y compris deux volumes de preuves.
Les autres auteurs qui ont écrit depuis sur les libertés de l'Eglise gallicane, n'ont fait aussi pour la plûpart que commenter les maximes recueillies par Pithou.
Pour la conservation de nos libertés, on a recours en France à quatre principaux moyens qui sont remarques par Pithou, art. 75, 76, 77, 78, & 79 ; où il dit que les divers moyens ont été sagement pratiqués par nos ancêtres, selon les occurrences & les tems.
Ces moyens sont, 1°. que l'on confere avec le pape, pour se concilier à l'amiable sur les difficultés qui peuvent s'élever. 2°. De faire un examen scrupuleux des bulles & autres expéditions venant de Rome, afin qu'on ne laisse rien publier contre les droits du roi, ni contre ceux de l'Eglise gallicane. 3°. L'appel au futur concile ; enfin l'appel comme d'abus aux parlemens, en cas d'entreprise sur la jurisdiction séculiere, & de contravention aux usages de l'Eglise de France.
Voyez les traités faits par du Tillet, Hotman, Dupuy, Leschassier, Bouchel, bibl. du Droit franc. let. j. verb. jurisdict. bibliot. can. tom. I. pag. 543 & 547. Dhericourt, loix ecclésiast. part. I. chap. 17. (A)
Liberté, (Inscript. Med.) La Liberté sur les médailles, tient de la main droite un bonnet qui est son symbole. Tout le monde sait qu'on le donnoit à ceux qu'on affranchissoit. Appien raconte qu'après l'assassinat de César, un des meurtriers porta par la ville un bonnet au bout d'une pique, en signe de liberté. Il y avoit sur le mont Aventin un fameux temple dédié à la Liberté, avec un parvis, autour duquel régnoit un portique, qu'on nommoit atrium libertatis. Sous ce portique étoit la célebre bibliotheque d'Asinius Pollion qui rebâtit cet édifice.
On érigea sous Tibere dans la place publique une statue à la Liberté, dès qu'on sut la mort de Séjan. Josephe rapporte qu'après le massacre de Caïus, Cassius Chéréa vint demander le mot aux consuls, ce qu'on n'avoit point vu de mémoire d'homme, & que le mot qu'ils lui donnerent, fut liberté.
Caïus étant décédé, on érigea sous Claude un monument à la Liberté ; mais Néron replongea l'empire dans une cruelle servitude. Sa mort rendit encore la joie générale. Tout le peuple de Rome & des provinces prit le bonnet de la liberté ; c'étoit un triomphe universel. On s'empressa de représenter par-tout dans les statues & sur les monnoies, l'image de la Liberté qu'on croyoit renaissante.
Une inscription particuliere nous parle d'une nouvelle statue de la Liberté, érigée sous Galba.
La voici telle qu'elle se lit à Rome sur la base de marbre qui soutenoit cette statue.
Imaginum domus Aug. cultoribus signum
Libertatis restitutæ, Ser. Galbæ imperatoris
Aug. curatores anni secundi, C. Turranius
Polubius, L. Calpurnius Zena, C. Murdius
Lalus, C. Turranius Florus C. Murdius
Demosthenes.
Sur le côté gauche de la base est écrit
Dedic. id. Octob. C. Bellico Natale Cos.
P. Cornelio Scipione Asiatico.
Ces deux consuls furent subrogés l'année 68 de Jesus-Christ.
Ce fut sur le modele de cette statue ou de quelque autre pareille, qu'on frappa du tems du même empereur tant de monnoies, qui portent au revers, libertas August. libertas restituta, libertas publica. Les provinces à l'imitation de la capitale, dresserent de pareilles statues. Il y a dans le cabinet du roi de France une médaille grecque de Galba, avec le type de la Liberté, & le mot ?????????. (D. J.)
Liberté, (Mythol. Iconol.) déesse des Grecs & des Romains. Les Grecs l'invoquoient sous le nom d'Eleuthérie, & quelquefois ils disoient ???? ?????????, dieux de la liberté. Les Romains qui l'appellerent Libertas, eurent cette divinité en singuliere vénération, lui bâtirent des temples, des autels en nombre, & lui érigerent quantité de statues. Tiberius Gracchus lui consacra sur le mont Aventin un temple magnifique, soutenu de colonnes de bronze, & décoré de superbes statues. Il étoit précédé d'une cour qu'on appelloit atrium Libertatis.
Quand Jules César eut soumis les Romains à son empire, ils éleverent un temple nouveau en l'honneur de cette déesse, comme si leur liberté étoit rétablie par celui qui en sappa les fondemens ; mais dans une médaille de Brutus, on voit la Liberté sous la figure d'une femme, tenant d'une main le chapeau, symbole de la liberté, & deux poignards de l'autre main avec l'inscription, idibus Martiis, aux ides de Mars.
La déesse étoit encore représentée par une femme vêtue de blanc, tenant le bonnet de la main droite, & de la gauche une javeline ou verge, telle que celle dont les maitres frappoient leurs esclaves lorsqu'ils les affranchissoient : il y a quelquefois un char auprès d'elle.
Dans d'autres médailles, elle est accompagnée de deux femmes, qu'on nommoit Adioné & Abéodoné, & qu'on regardoit comme ses suivantes ; parce que la liberté renferme le pouvoir d'aller & de venir où l'on veut.
Quelques villes d'Italie, comme Bologne, Gènes, Florence, portoient autrefois dans leurs drapeaux, dans leurs armoiries, le mot libertas, & ils avoient raison ; mais cette belle devise ne leur convient plus aujourd'hui : c'est à Londres qu'il appartient d'en faire trophée. (D. J.)
Liberté de cour, terme de Commerce, c'est l'affranchissement dont jouit un marchand de la jurisdiction ordinaire des lieux où il fait son négoce, & le privilege qu'a un étranger de porter les affaires concernant son trafic par-devant un juge de sa nation.
Ce terme a particulierement lieu par rapport aux villes hanséatiques, qui dans tous les comptoirs qu'elles avoient autrefois dans les principales villes de commerce de l'Europe, comme Londres, Anvers, &c. entretenoient une espece de consul, & sous lui un greffier, par-devant lequel tous les marchands de leur hanse ou ligne devoient se pourvoir en premiere instance, & dont les jugemens se portoient par appel & en dernier ressort, par-devant les juges & magistrats des villes hanséatiques, dont l'assemblée résidoit à Lubeck.
Ce qui reste aujourd'hui des villes hanséatiques qui sont réduites à sept ou huit, jouit encore de ce privilege, mais seulement parmi leurs propres négocians. Voyez Hanse & Hanseatiques, ou Anseatiques. Dictionn. de Comm.
Liberté, en Peinture, est une habitude de main que le peintre acquiert par la pratique. Légereté & liberté de pinceau, different en ce que légereté suppose plus de capacité dans un peintre que liberté ; ces deux termes sont cependant fort analogues.
Liberté, parmi les Horlogers, signifie la facilité qu'une piece a pour se mouvoir. On dit, par exemple, qu'une roue est fort libre, ou qu'elle a beaucoup de liberté, lorsque la plus petite force est capable de la mettre en mouvement. Voyez Jeu.
Liberté, (Maréchal.) la liberté de la langue. Voyez Langue. Sauteur en liberté. Voyez Sauteur.
Liberté, Facilité, Légereté, Franchise, (Beaux-Arts.) ces termes ordinairement synonymes dans les beaux-arts, sont l'expression de l'aisance dans leur pratique, & cette aisance ajoute des graces aux mérites des ouvrages. Il y a une liberté délicate, que possédent les grands maîtres, & qui n'est sensible qu'aux yeux savans ; mais voyez Franchise de pinceau, de burin, & Facilité, Peinture. (D. J.)
Wiktionnaire
Nom commun - ancien français
liberté \Prononciation ?\ féminin
-
(Philosophie) Libre arbitre.
- Et dit que elle est liberale, car elle est selon franchise et liberté de volenté, laquelle volenté n'est pas serve a concupiscence ne a autre malice. ? (Nicole Oresme, Le livre de éthiques d'Aristote, 1370)
Nom commun - français
liberté \li.b??.te\ féminin
-
Pouvoir inaliénable de l'individu, droit qu'il a de disposer de sa personne ; capacité des individus et des organisations qu'ils forment à agir sans restrictions, autre que celles imposées par la loi. Note : Ce sens est souvent écrit avec une majuscule, Liberté, pour lui donner un caractère allégorique ou emphatique.
- En définissant la liberté, le premier des biens de l'homme, le plus sacré des droits qu'il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu'elle avait pour borne les droits d'autrui. ? (Robespierre, Propositions d'articles additionnels à la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, le 24 avril 1793 à la Convention.)
- La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : « Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait. » ? (Article 6. de la Constitution française du 24 juin 1793)
- Sachent donc ceux qui l'ignorent, sachent les ennemis de Dieu et du genre humain, quelque nom qu'ils prennent, qu'entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. Le droit est l'épée des grands, le devoir est le bouclier des petits. ? (Henri-Dominique Lacordaire, 52e Conférence de Notre-Dame, 1848)
- ?tel était le coin de vie personnelle où se réfugiaient ces hommes qui, pour la sécurité du pain et de la paillasse, vendaient leur liberté, la dernière des libertés humaines : aller où l'on veut, choisir le fossé où l'on subira les affres de la faim, la morsure du froid? ? (Isabelle Eberhardt, Le Major, 1903)
- « Liberté », un de ces mots qui s'écrivent avec une majuscule, parce qu'ils renferment un monde d'émotions. ? (Rose-Marie Mossé-Bastide, La liberté, 1966, introduction)
- Le vrai sentiment de liberté vient autant de ce qu'on pourrait faire que de ce qu'on fait effectivement. La liberté est bien plus grande que le désir, bien plus grande que l'envie, bien plus grande que les capacités humaines, bien plus grande que nos forces et que le temps qui nous est donné. ? (Paul Fournel, Paul Fournel : « Ma chère petite-fille, veille à te protéger de ceux qui en voulant te protéger entravent ta vraie liberté », Le Monde. Mis en ligne le 14 juin 2020)
-
Chacun des droits qu'un tel pouvoir implique.
- Il faut entrer de force dans le domicile du citoyen: il faut arrêter administrativement l'homme qui ne peut être arrêté qu'en vertu d'une loi ; il faut violer la liberté de l'opinion et la liberté individuelle; il faut en un mot mettre en péril la constitution même de l'État. ? (Résumé politique, dans L'Ambigu : ou Variétés littéraires et politiques, volume 56, 1818, page 243)
- La liberté, parlons d'elle avant que cela ne devienne subversif, car la liberté de dire et d'écrire ce que nous pensons est une faveur trop précieuse pour ne pas provoquer la jalousie du destin. ? (Julien Green, Liberté, Julliard, collection Idée fixe, Paris, 1974, page 9)
-
Possibilité qu'a en pratique une personne, un animal, ou parfois une chose, de penser sans contraintes, d'agir selon son bon vouloir, de se mouvoir sans contrainte.
- Othon s'était élancé dans le fleuve, non pas pour y chercher la mort, mais la liberté. ? (Alexandre Dumas, Othon l'archer, 1839)
- C'est un phénomène remarquable que la grande liberté d'esprit qui a pu coexister en France avec la plus grande soumission politique, et rien n'est pourtant plus explicable. ? (Émile Montégut,Du génie français dans La Revue des deux mondes?, T.9, 1857, page 141)
-
La liberté de penser devait donc se compléter par la liberté d'agir. La première liberté avait été conquise sur la théocratie ayant pour chef visible le pape : la seconde fut conquise sur l'aristocratie ayant pour représentant suprême le roi.
La liberté d'agir contenait en elle-même une foule de libertés, liberté d'aller et de venir, liberté de se vêtir, liberté de produire, liberté d'échanger, liberté d'aimer. ? (François-Victor Hugo, La Normandie inconnue, 1857, §.13, page 279) - Or savez-vous quels sont ses deux instincts naturels, irrésistibles dans l'ordre psychique ? c'est l'amour et la liberté. Ces deux instincts naturels se sont socialement combattus jusqu'à présent ; il a fallu que l'homme immolât ou plutôt subordonnât l'un à l'autre. ? (Alexandre Dumas fils, La question du divorce, 1880, 12e éd., page 131)
- Qu'on y ajoute une liberté extrême laissée aux enfants qui sortent sans solliciter la permission, se déplacent dans la classe à leur gré, [?]. ? (Jean Rogissart, Passantes d'Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
-
Permission.
- Je prends la liberté de vous rappeler votre promesse.
- J'ai pris la liberté de vous écrire.
- Je prends la liberté de n'être pas de votre avis.
Trésor de la Langue Française informatisé
LIBERTÉ, subst. fém.
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Les citations avec le mot Liberté
- Aujourd'hui, je suis convaincu que personne ne perd personne. C'est cela la vraie expérience de la liberté : avoir la chose la plus importante au monde sans la posséder.Auteur : Paulo Coelho - Source : Onze Minutes (2003)
- Travailler est une des façons de manifester sa liberté.Auteur : Daniel Desbiens - Source : Maximes d'Aujourd'hui
- Liberté et contrainte sont deux aspects de la même nécessité qui est d'être celui-là et non un autre.Auteur : Antoine de Saint-Exupéry - Source : Citadelle (1948), XLVI
- Le rêve est incontestablement le premier des chemins qui conduisent à la liberté. Rêver, c'est déjà être libre.Auteur : Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Etienne d'Argent, dit Frankétienne - Source : Fleurs d'insomnie (1986)
- La liberté n'est possible que dans un pays où le droit l'emporte sur les passions.Auteur : Henri Lacordaire - Source : 1re lettre à un jeune homme
- Le malheur qui vient à l'homme du fait qu'il a été un enfant, c'est donc que sa liberté lui a été d'abord masquée et qu'il gardera toute sa vie la nostalgie du temps où il en ignorait les exigences.Auteur : Simone de Beauvoir - Source : Pour une morale de l'ambiguïté (1947)
- Les animaux ne sont pas libres. Ils vivent, luttent, copulent et meurent, ils ne se posent pas de questions sur la liberté. Les gens ont peut-être été libre un jour. Ils ne le sont plus aujourd'hui. On a réinventé la jungle, avec du béton de l'acier et des ordures. Plus nous nous modernisons, plus nous nous rapprochons de l'âge de pierre.Auteur : Ian Watson - Source : Orgasmachine (1976)
- La liberté, c'est de n'arriver jamais à l'heure.Auteur : Alfred Jarry - Source : Ubu roi (1888)
- Joséphine Baker portait une certaine idée de l’Homme, militait pour la liberté de chacun. Sa cause était l'universalisme, l’unité du genre humain. L’égalité de tous avant l’identité de chacun.Auteur : Emmanuel Macron - Source : Tweet du 30.11.2021
- La liberté ne s’apprend pas, certains sont taillés pour et d’autres non. Auteur : Anne Percin - Source : Les singuliers (2014)
- Le despotisme fait illégalement de grandes choses, la liberté ne se donne même pas la peine d'en faire légalement de très petites.Auteur : Honoré de Balzac - Source : La Peau de chagrin (1831)
- La conscience est probablement ce lieu intime où chaque être humain peut en toute liberté prendre la mesure de sa responsabilité à l'égard de la vie.Auteur : Pierre Rabhi - Source : Manifeste pour la Terre et l'Humanisme - Pour une insurrection des consciences (2008)
- Amour liberté vérité
Il faudra choisir
Amour liberté vérité
Plutôt qu'obéir.Auteur : Pierre Perret - Source : Amour, liberté, vérité (1981) - Croyez-vous que les rochers de Saint-Marin soient la plus petite des républiques?
Il est un autre lieu encore plus petit où règne la liberté; vous le portez en vous-même , ou vous n'avez point de coeur.Auteur : Johann Paul Friedrich Richter, dit Jean-Paul - Source : Pensées extraites de tous les ouvrages de Johann Paul Friedrich Richter dit Jean-Paul - La liberté d'expression appartient à tous, non à quelques-uns, qui l'outragent.Auteur : Raoul Vaneigem - Source : Rien n'est sacré, tout peut se dire (2003)
- Un petit péril intimide souvent plus qu'un grand, parce qu'il laisse plus de liberté d'esprit pour le juger.Auteur : Cécile Brucy, dite Cécile Fée - Source : Pensées (1832)
- Son prénom complet était Libero Pensiero, Libre Pensée en italien. Sainte Mère ! Mais Libre Pensée, Volonté, Liberté, Palingenèse, Vengeur étaient les noms typiques qu'autrefois les anarchistes donnaient à leurs enfants ! Le père du commissaire était certainement un anarchiste et le fils, par opposition, non content de s'être fait flic, s'était en plus azimuté sur l'Ordre, dans une tentative extrême pour annuler l'héritage paternel.Auteur : Andrea Camilleri - Source : La première enquête de Montalbano (2004)
- La politique est la science de la liberté.Auteur : Pierre Joseph Proudhon - Source : Qu'est-ce que la propriété? (1840)
- Un esprit libre prend des libertés même à l'égard de la liberté.Auteur : Francis Picabia - Source : Sans référence
- Chaque fois que je tente de traiter de la liberté qui est, pour moi, le problème des problèmes et la source de tous les intérêts, je me heurte à l'accueil que me font les lecteurs, comme si je traitais d'un art superflu, alors que l'homme n'a pas moins besoin de liberté que l'âme d'un corpsAuteur : Ahmad Lutfi Al-Sayyid - Source : Al-Jarida en décembre 1913
- Les aspirations de l'homme à la liberté doivent être maintenues en pouvoir de se recréer sans cesse c'est pourquoi elle doit être conçue non comme état mais comme force vivre entraînant une progression continuelle.Auteur : André Breton - Source : Arcane 17 (1945)
- L'histoire mondiale est le progrès dans la conscience de la liberté.Auteur : Georg Wilhelm Friedrich Hegel - Source : Introduction à la Philosophie de l'Histoire (2011)
- L'homme est une marionnette consciente qui a l'illusion de la liberté.Auteur : Félix Le Dantec - Source : Science et Conscience
- La liberté, c'est la faculté de choisir ses contraintes.Auteur : Jean-Louis Barrault - Source : Sans référence
- Le bien de l'état, la tranquillité et la liberté légitime exigent que tout arbitraire soit détruit.Auteur : Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes - Source : Pensées et Maximes
Les citations du Littré sur Liberté
- C'est que ma maîtresse chez vous, La liberté, se voit logée ; Cette liberté mitigée, à l'oeil ouvert, au front serein, à la démarche dégagée, N'étant ni prude ni catinAuteur : Voltaire - Source : Ép. XXXI
- Je fus en liberté de le voirAuteur : Blaise Pascal - Source : dans COUSIN
- Ces ouvriers, n'ayant plus la liberté de choisir entre plusieurs acheteurs, ont été forcés de livrer le fruit de leur travail, pour le prix qu'on a bien voulu leur en donnerAuteur : RAYNAL - Source : Hist. phil. III, 38
- À ce jeu [des osselets], les sauvages pleigent leurs femmes, leurs enfants, leur libertéAuteur : CHATEAUBR. - Source : Amér. jeux
- La liberté du citoyen est si précieuse, que les lois seules peuvent en suspendre l'exerciceAuteur : BARTHÉL. - Source : Anach. Introd. part. II, sect. 1
- J'ai vu maintes beautés à la cour adorées, Qui, des voeux des amants à l'envi désirées, Aux plus audacieux ôtaient la libertéAuteur : MALH. - Source : VI, 24
- On mit Davisard en liberté [de la Bastille] ; n'est-ce pas un godan, dit-il en terme gascon quand il vit la lettre de cachet ? non, dit le gouverneur qui la lui portait, c'est tout de bonAuteur : STAAL. - Source : Mém. t. II, p. 246
- Le ressort de la liberté, comprimé dans les âmes depuis des siècles, eut une activité incroyable et produisit les plus terribles phénomènes qu'on ait encore vus en moraleAuteur : RAYNAL - Source : Hist. philos. IV, 5
- Il verroient de combien doleur seroit plus hardie à recouvrer liberté perdue que n'estoit convoitise à maintenir injuste seignourieAuteur : BERCHEURE - Source : f° 63, verso
- Mon sceptre reconquis me met en liberté De vous laisser un bien que j'ai trop achetéAuteur : Corneille - Source : Sophon. III, 2
- À sa noble aisance, à la facilité, à la liberté de ses mouvements sur l'eau, on doit reconnaître le cygne, non-seulement comme le premier des navigateurs ailés, mais comme le plus beau modèle que la nature nous ait offert pour la navigation ; son cou élevé et sa poitrine relevée et arrondie semblent en effet figurer la proue du navire fendant l'onde ; son large estomac en représente la carène ; son corps, penché en avant pour cingler, se redresse à l'arrière et se relève en poupe ; la queue est un vrai gouvernail ; les pieds sont de larges rames ; et ses grandes ailes, demi-ouvertes au vent et doucement enflées, sont les voiles qui poussent le vaisseau vivant, navire et pilote à la foisAuteur : BUFFON - Source : ib.
- Après les trois Othon, ce combat de la domination allemande et de la liberté italique resta longtemps dans les mêmes termesAuteur : Voltaire - Source : Moeurs, 37
- Ils acheverent de perdre les reliques de la romaine liberté [en se tuant]Auteur : MONT. - Source : II, 31
- Le cri de la liberté toujours prêt à sortir de l'extrême oppressionAuteur : Jean-Jacques Rousseau - Source : Polysynodie.
- La tienne [ton âme], encor servile avec la liberté, N'a pu prendre un rayon de générositéAuteur : Corneille - Source : Cinna, IV, 7
- Je di qu'un tel voeu est sainct et legitime, sans prejudicier à la liberté d'un chacun d'en faire comme il voudraAuteur : CALV. - Source : Instit. 1011
- La liberté est quelque chose de céleste ; mais le repos vaut encore mieuxAuteur : Voltaire - Source : Lett. d'Argental, 1er fév. 1764
- Être libre en un mot n'est pas ne rien faire ; c'est être seul arbitre de ce qu'on fait, ou de ce qu'on ne fait point ; quel bien en ce sens que la liberté !Auteur : LA BRUYÈRE - Source : XII
- Rien n'échappait à sa liberté satirique [de Diogène]Auteur : FÉN. - Source : Diog.
- Liberty and property [liberté et propriété], c'est le cri anglais ; il vaut mieux que Saint-George et mon droit, Saint-Denis et mont-joie ; c'est le cri de la natureAuteur : Voltaire - Source : Dict. phil. Propriété.
- Quand la nation s'élance du néant de la servitude vers la création de la liberté, quand la politique va concourir avec la nature au déploiement immense de ses hautes idéesAuteur : MIRAB. - Source : dans LAVEAUX
- J'aime à fronder les préjugés gothiques Et les cordons de toutes les couleurs ; Mais, étrangère aux excès politiques, Ma liberté n'a qu'un chapeau de fleursAuteur : BÉRANG. - Source : le Nouveau Diogène.
- Le repos et la liberté me paraissent incompatibles : il faut opterAuteur : Jean-Jacques Rousseau - Source : Gouv. de Pologne, 1
- Il parait probable que nous avons la liberté d'indifférence dans les choses indifférentes ; car qui pourra dire que Dieu ne nous a pas fait ou n'a pas pu nous faire ce présent ?Auteur : Voltaire - Source : Phil. Newt. part. I, ch. 4
- Les Suisses ne faisaient encore usage de leur liberté que pour vendre leur sang ; et d'ordinaire celui qui avait le plus de Suisses dans son armée se croyait sûr de la victoireAuteur : Voltaire - Source : Ann. Emp. Charles-Quint, 1520
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Mise à jour le mercredi 24 septembre 2025 à 17h48

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