ABOYER, verbe intrans.
Étymol. ? Corresp. rom. : n. prov. 
abaia; ital. 
abbaiare.
1. Intrans., mil. 
xiies. « (des hommes) donner de la voix comme un chien qui aboie » (
Ps. de Cambridge, éd. F. Michel, 58, 6 ds T.-L. : 
abaient cume chiens = latrent ut canis); 1160-1170 « 
id. » (
Rou, éd. Andresen III, 8094 ds T.-L. : Normant dient qu'Engleis 
abaient), emploi fig. de : fin 
xiie, début 
xiiies. « donner de la voix (d'un chien) » (
Renart, éd. Méon, 22 784 ds T.-L. : deux brachez vinrent, si 
abaient); 
2. abaier + dat. 
ca 1180 « poursuivre qqn de ses aboiements (d'un chien) » (
Marie de France, 
Fables, éd. Warnke, 20, 28, var. C : dunc li comence a 
abaier). Emploi fig. 1224, trans. « poursuivre qqn de ses cris, le harceler » (
G. de Coincy, 
Mir. de N. Dame, éd. Poquet, 377, 111 : S'aucun[s] mastin[s] [emploi fig.] por ce m'
a baie [l. 
m'abaie], Je ne dourroie [l. donrroie] un grain de baie).
Dér. du rad. 
bai- forme apophonique du rad. onomat. 
bau-exprimant l'aboiement du chien. 
Bau est à la base de plusieurs formations de même sens : gr. ?
               ?
               ?
               ?
               ?
               ?, lat. 
baubare (baubari) (> Nice 
baubá), lat. 
baubu?lare (> piémont. 
baolè, Val Sesia 
baulè, bagolè, campidan, 
baulài, roum. dial. 
bau?na), fr. de l'est type 
baouer et 
abaouer. Forme 
bai- attestée par ital. 
abbaiare qui, indissociable du fr. et ne pouvant être empr. (cri d'animal) rend impossible étymon lat. 
batare (Lebel ds 
Fr. mod. XII, 1944, 305-306 et XIV, 1946, 125 à la suite de Förster ds 
Z. rom. Philol., V, 95) (
batare serait seulement acceptable pour le fr. du point de vue phonét.; c'est l'étymon du verbe homon. 
aboyer « aspirer à », voir 
FEW s.v. batare; plus difficilement du point de vue sém., Dauzat ds 
Fr. mod., XIV, 1946, 126). L'a. fr. 
abaüer rend impossible étymon lat. 
baubari (
Diez5). À l'orig. aire gallo-rom. ? de 
abaier : Normandie à Wallonie, (+ ital. 
abbaiare), ? du type 
latrare : sud-ouest (+ cat. 
lladrar, esp. port. 
ladrar, ital. 
latrare, sarde 
lardái, roum. 
la?tra), ? de 
japer : Occitanie et fr.-prov.
HIST. ? Si le fr. mod. paraît avoir un seul verbe, il faut distinguer originellement d'une part 
abaier/aboyer 1 « crier en parlant du chien » et d'autre part 
abaier/aboyer 2 « aspirer à », le 1
ervenant de l'onomatopée 
bau, le 2
edu lat. 
batare (> 
béer « être ouvert, avoir la bouche ouverte » dont 
abaier/aboyer est un composé). 
? Rem. Seul des dict. de la lang. mod., le 
DG fait 2 art. distincts, 
Hug. ayant fait de même à plus juste titre pour la lang. du 
xvies. Quant à 
Fur. 1690, ? s'il se trompe en faisant reposer la distinction fondamentale des 2 verbes sur la distinction phonét. 
abayer/aboyer qui est accidentelle et secondaire ?, il a le mérite (
cf. Brunot, IV, p. 587) de porter témoignage tout à la fois de l'existence de 2 verbes différents et de la confusion qui, au 
xviies., s'était établie entre eux dans la conscience des locuteurs : ,,Je tiens qu'originairement 
abboyer et 
abbayer sont deux mots différents et qu'
abboyer s'est dit seulement au propre du cri des chiens ou de ce qui luy ressemble; et qu'
abbayer s'est dit au second sens figuré et est composé de 
bayer ou 
béer qui signifie regarder attentivement ou attendre impatiemment, ce qu'on fait ordinairement avec une bouche béante, mais que par abus l'affinité de ces mots les a fait confondre, et prendre l'un pour l'autre.``
I.? Disparitions av. 1789. ? A.? L'homon. 
aboyer 2 « aspirer à, convoiter ». 
1. Trans. dir. : Pour servir à l'ambition insatiable de toy, qui 
abayois la papauté. 
Régnier de La Planche, 
Hist. de l'Estat de France, [1576], I, 319 (Hug.). 
? Cf. aussi au passif : 
Estant le Royaume 
abbayé par plusieurs grands princes... 
E. Pasquier, 
Recherches, II, 13 (Hug.). J'attendais longtemps un régiment vacant, 
aboyé des familles et des officiers... 
Saint-Simon, 
Mém., éd. la Pléiade, t. II, p. 28. 
? Cf. aussi part. substantivé : Une si grosse abbaye ne vaquait pas tous les jours. Celle-ci ne l'était devenue que cet hiver et causa tant d'envie que les 
aboyants outrés de la voir donner ainsi se mirent à chercher ce que c'était que cet abbé de Chavigny. 
Id., 
ibid., t. III, p. 422. 
2. Trans. indir. 
a) Aboyer à : L'un des amans 
abbaye à l'utile. 
Pontus de Tyard, Trad. de l'
Amour de 
Léon Hebrieu (Hug.). C'est peu d'
abboyer tant 
à ces honneurs si courts. 
J. de la Taille, 
Epitaph. de Henry II (Hug.). 
? Rem. Abboyer aux nues « aspirer à ce que l'on ne peut atteindre » : Le cueur disoit bien que je n'
abboyais pas 
aux nues. Larivey, 
La vefve, III, 2 (Hug.). 
b) Aboyer après, cf. 7 ex. ds 
Hug. dont : Tesmoin le pauvre Cahier, qui 
a abbayé après l'abbaye promise. 
A. d'Aubigné, 
Sancy I, 9 (Hug.). Ils sont trois ou quatre qui 
abboyent après cette charge. 
Ac. 1694. 
? Rem. Ce dernier ex. est cité ds 
Ac. 1718, 1740, 1762, 1798. 
Ac. 1835 le signale comme vieilli. Il manque ds 
Ac. 1878 qui ne mentionne pas ce sens. 
Besch. 1845 au contraire de 
Littré, ne donne pas d'ex. de ce sens que toutefois il signale ,,Cet ambitieux 
aboie après les grandeurs.`` 
Littré. 
FEW le donne comme vieilli. 
B.? Emploi de l'inf. 
aboyer 1 comme subst. : Il prant plaisir en escoutant l'
abbayer des chiens. 
Somme le roy [1475], ms. Troyes, f
o104 v
o(Gdf.). 
? Cf. aussi 
ibid. 3 autres ex. : Ainsi. traistre, ton 
aboyer traistre m'a rendu le loyer de t'aimer plus cher qu'une mère n'aime sa fille la plus chère. 
Ronsard, 
Gayetez, 6 (Hug.). 
C.? Aboyer 1 trans. dir. « aboyer contre » (l'obj. dir. étant externe et inanimé) : Chassons ceste pétulence de chien, laquelle peut bien 
abbayer de loing la justice de Dieu... 
Calvin, 
Instit., VIII, p. 508 (Hug.). 
? Cf. aussi 
ibid. 3 autres ex. 
? Rem. 1. Pour 
aboyer 1 trans. dir. « aboyer contre » (l'objet dir. étant. externe mais animé) 
cf. inf. II A 2. 
2. Pour 
aboyer 1 trans. dir. « vociférer » (l'ob. dir. étant interne) 
cf. inf. II B 2. 
D.? Aboyer 1 trans. indir. : De riens ne servent, ainz 
abaient Seur ceuls qui font le biau mestier. 
Watriquet (Gdf.). 
E.? Aboyer 1 dans expr. prépositionnelles 
? Aboyer à la faim (« de faim ») : Par quelle tyrannie le povre peuple 
abboye à la faim, et meurt sans miséricorde. 
H. Estienne, 
Apol. pour Her., ch. 6 (Hug.). 
? Rem. Pour 
aboyer 1 dans d'autres expr. prépositionnelles, 
cf. inf. II A 3.
II.? Hist. des sens attestés apr. 1789. ? A.? Sém. sens I « crier » (sens propre en parlant du chien ou d'animaux assimilés). 
1. Absolu. ? Grande stab. de ce sens premier dep. les orig., fin du 
xiies. 
cf. étymol. 1 et aussi : 
? xves. : Le vieil biquet se repose, Desormais travailler n'ose, 
Abayer, un mot sonner. 
Ch. d'
Orléans, 519 
(IGLF). ? xvies. : Les chiens 
abbayoyent desja bien fort. 
Amyot, 
Aratus, 7 (Hug.). 
? xviiies. : Le renard glapit, 
aboie et pousse un son triste. 
Buffon (Besch.). 
? xixeet 
xxes. 
cf. sém. I. 
2. Trans. dir. (l'obj. dir. étant externe mais animé :) 
? Fin 
xiiies. : Nul autre chose ne me douls, Nes que du chien l'abeiment Qui m'
abaie si malement. 
Ysopet, I, 51 (Gdf.). 
? Fin 
xvies. : Ce sont chiens qui me peuvent 
abayer, non mordre. 
E. Pasquier, 
Lettres, XIX (Hug.). 
? xviiies. : Moi, je ne tue pas un chien qui m'
aboie. 
Diderot, 
Essai sur Cl. (Littré). 
? Cf. aussi au passif : Pour n'estre assailly des chiens ni 
abbayé. G. Bouchet, 
Serees, [1584], II, 74 (Gdf.)., 
? Cf. aussi forme pronom. réciproque : Si vous voyez deux chiens qui 
s'aboient. La Bruyère (Littré). 
? xixeet 
xxes. 
cf. sém. ex. 1, 11 et 18 qui ne sont que des survivances. 
3. Trans. indir. et expr. prépositionnelles. 
a) Aboyer contre : Un autre chien estant à la garde d'un temple à Athènes, ayant aperçu un larron sacrilège qui emportoit les plus beaux joyaux se mit à 
abboyer contre lui tant qu'il peut. 
Montaigne, II, 12, 11, 201 (Hug.). 
? Rem. Aboyer contre la lune (
cf. aussi inf. 
aboyer à la lune et ex.) : He barks at the moon. (
Cotgr.). 
b) Aboyer après (cf. aussi ex. 22) : Nous avons de tous côtés des gens qui 
aboient après nous. 
Molière (Besch.). 
c) Aboyer à dans : . 
Aboyer à son ombre « se tromper » : Laissez m'en faire, je n'
abairay point 
à mon ombre. 
Greban., 
Mist. de la Passion, xves., vers 18561 (
Gdf. Compl.) . 
Aboyer à qqn. : C'est le poursuivre en criant après luy. 
Nicot 1606. . 
Aboyer aux voleurs (
Ac. 1964). . 
Aboyer au secours, cf. inf. II B 2. . 
Aboyer à la lune : C'est faire des efforts inutiles contre des gens qui sont au-dessus de nos atteintes. 
Rich. 1680. . 
Aboyer à l'exil (
cf. ex. 25). . 
Aboyer à la mort (
cf. ex. 6). . 
Aboyer à un morceau de bois (
cf. R. Rolland, 
Jean-Christophe, Buisson ardent, 1911, p. 1359). . 
Aboyer au vent (
cf. Id., 
ibid., p. 1263). 
? Rem. 1. Toutes ces expr. (sauf 
aboyer à un morceau de bois et 
aboyer à l'exil) sont susceptibles d'être empl. au fig. 
2. ,,Peut-être y aurait-il lieu de distinguer entre l'emploi des prépositions qui marquent le complément d'
aboyer. Aboyer à semble dire perdre sa peine en aboyant c'est-à-dire crier contre quelqu'un ou quelque chose qu'on ne saurait atteindre comme en cette loc. proverbiale : 
aboyer à la lune. Aboyer contre donne à entendre que le chien est à l'attache, ce qui l'empêche de se mettre à la poursuite. 
Aboyer après emporte au contraire l'idée de poursuite. 
Aboyer après se dit au fig. et non pas 
aboyer contre``. (
Besch. 1845). 
B.? Sém. sens II « crier » (sens fig. en parlant de l'homme ou d'une collectivité hum.) 
1. Absolu. ? Grande stab. de ce sens, dep. les orig., mil. du 
xiies. 
cf. étymol. 1 : 
? xvies. : On estime aussi vos gardes, vos descouvreurs, et avantcoureurs; ce sont vos chiens loyaux et bien 
abayans. Lemaire de Belges, 
Illust., I, 22 (Hug.). 
2. Trans. dir. (l'objet. dir. étant interne) : 
? xvies. : C'est un crime... d'abandonner le langage de son pays pour vouloir deterrer je ne sçay quelle cendre des anciens, et 
abbayer les verves des trepassez. 
Ronsard, 
Franciade, Préf. de 1587 (Hug.). Les autres, comme les chanoines et caffars, en 
abbayant le parchemin jour et nuit, et barbotant leur bréviaire, vendent leurs coquilles au peuple. 
Calvin, 
Instit., III, XX, 29 (Hug.). 
? Rem. Abbayer le parchemin « chanter à l'église, à la synagogue », expr. qui a disparu. 
? xixeet 
xxes. : 
Aboyer des injures, des paroles de mort, cf. ex. 16. Constr. attestée seulement pour le sens II, sauf dans l'ex. 4 
aboyer au secours où il s'agit d'un chien (et où l'expr. figée 
au secours forme un tout qui joue le rôle d'un véritable obj. dir.; 
cf. aussi prop. obj. dir. dans : 
abaiant que aucuns secours lor venist, St Graal ds 
DG). 
3. Trans. indir. et expr. prépositionnelles. ? 
Cf. sup. II 3 A, rem. 1 et aussi 
aboyer à son ombre « se tromper » (
cf. sup. II A 3 c). 
C.? Sém. sens III (sens fig. en parlant de sons répétés et violents par des inanimés). 
1. Suj. divers : Par tourbillons la vague qui se suit, contre les bords 
abaye d'un grand bruit. 
Ronsard. 
Franciade, I, III, 36 (Hug.). L'Enfer 
aboya (ex. 24). 
2. Ventre, estomac affamé : Mon stomach 
abboye de male faim comme un chien. 
Rabelais, III, 15 (Hug.). La faim estoit on corps : pour à laquelle remedier 
abaye l'estomach. 
Id., III, 13 (Hug.). ? 
Cf. aussi avec jeu de mot sur 
aboyer 1 et 
aboyer 2 
: Mon ventre affamé 
abaye comme l'oisillon qui bée. 
E. Pasquier, 
Jeux poet., III, II, 878 (Hug.). 
3. Armes à feu (au passif) : Cette cavallerie espagnole... 
fut toujours 
abayée d'une escoupeterie. 
A. d'Aubigné, 
Hist. univ., XIV, 18 (Hug.); (= actif, 
une escoupeterie aboya). 
Cf. ex. 27.